Page:Le Parnasse contemporain, II.djvu/388

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Frémirent. Mais Pizarre, arrachant la bannière
Des mains de Gabriel Rojas, d’une voix fière :
— Pour don Carlos, mon maître, & dans son nom royal,
Moi, François Pizarro, son serviteur loyal,
En la forme requise & par-devant notaire,
Je prends possession de toute cette terre.
Et je prétends de plus que, si quelque rival
Osait y contredire, à pied comme à cheval,
Je maintiendrai mon droit & laverai l’injure ;
Et par mon saint patron, don François, je le jure. —

Et ce disant, d’un bras furieux, dans le sol
Qui frémit il planta l’étendard espagnol.
Et le vent des hauteurs qui soufflait par rafales
Tordit superbement ses franges triomphales.

Cependant les soldats restaient silencieux,
Éblouis par la pompe imposante des cieux.

Car derrière eux, vers l’ouest, où sans fin se déroule
Sur des sables lointains la Pacifique houle,
Dans une brume d’or & de pourpre, linceul
Rougi du sang d’un Dieu, sombrait l’antique Aïeul
De celui qui régnait sur ces tentes sans nombre.
En face, la sierra se dressait haute & sombre.
Mais quand l’astre royal dans les flots se noya,
D’un seul coup, la montagne entière flamboya
De la base au sommet, & les ombres des Andes,
Gagnant Caxamalca, s’allongèrent plus grandes.