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V

BALLADE

POUR SA COMMÈRE


Le beau baptême & la belle commère !
Quels jolis yeux ! disaient les assistants.
On rôtissait les bœufs entiers d’Homère
Et l’on ouvrait la porte à deux battants.
Bonne Alizon ! même après tant de temps,
Quand je la vois, mon âme en est tout aise.
Elle a des yeux d’enfer, couleur de braise,
Et le sein rose & des lys à foison ;
Elle est savante avec ses airs de niaise.
Le bon Dieu gard’ ma commère Alizon !

En ce temps-là, mordant l’écorce amère,
Dans mon pays de forêts & d’étangs,
J’étais encore un coureur de chimère.
Elle, on eût dit un matin de printemps !
Mais, à la fin, voici qu’elle a trente ans.
Ses grands cheveux sont blonds, ne vous déplaise !
Et longs & fins, & lourds, par parenthèse,
À n’y pas croire. Oh ! la riche toison !
À la tenir on sait ce qu’elle pèse.
Le bon Dieu gard’ ma commère Alizon !