Page:Le Parnasse contemporain, III.djvu/265

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Stable ou s’entre-heurtant comme un glacier fendu,
Semble un autre océan polaire, suspendu !
Du sol mélancolique au dôme taciturne
S’étage le profond crépuscule nocturne
Où se meuvent des corps faits de neige et de nuit :
Grand faucon, tourmentant l’air opaque, sans bruit ;
Renne qui sur le cap broute une maigre touffe ;
Pétrel pêcheur, dans l’ombre ou son râle s’étouffe
Hérissant par faisceaux son court plumage brun
Visqueux de la rosée amère de l’embrun ;
Loup hurleur, aux reins forts, fauve louve, qui rôde
Vers un terrier trahi par une brume chaude,
Pendant qu’au loin s’allonge et plane en soulevant
Les plis du soir, le geste étrangement vivant
D’un noir tronc d’arbre hors d’une rocheuse fente,
Ou d’un mort que sa fosse ouverte réenfante !
Mais des formes bientôt se dissout le semblant,
Obscur, dans le brouillard, pâle, dans le sol blanc ;
Et, soit que pèse l’air sur la plaine dormante,
Soit que, rude et rompant les sapins, la tourmente
Roule aux gouffres, avec l’avalanche, les ours,
La terre que poussa le vent des premiers jours
Déploîra le désert de ses blancheurs funèbres
Sous la lividité stagnante des ténèbres.



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