Page:Le Parnasse contemporain, III.djvu/275

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La belle jeune louve amoureuse du mâle
Rampe, se tend, clôt l’œil, bâille avec un doux râle.
Ils vont bientôt, de faim moins que d’amour grondants,
Mordre ensemble une proie où se cherchent les dents,
Puis, quand le flanc repu sur le festin se vautre,
Tendres, lécher du meurtre aux lèvres l’un de l’autre.

Mais le loup, renversant la gorge, arquant les reins,
Voit le soleil ! L’horreur lui rebrousse les crins,
Et cramponné de l’ongle au sol gelé qui craque
Il hurle longuement à la vermeille flaque !

Brusque, il s’enfuit. Le vent ne le précède point.
Ses bonds roulent. Colère où la terreur se joint,
Il se mord en claquant des dents dans les morsures.
Il fuit toujours. L’abîme a des profondeurs sûres :
Il y plonge, farouche, et plonge plus avant.
Il se plaît dans la neige et dans le sombre vent.
Quand repèse sur lui l’épais brouillard polaire,
Il ne sait plus pourquoi sa fuite s’accélère ;
Oubliant l’orbe atroce, à vif dans le ciel froid,
Il s’arrête, apaisé, se tourne, — et le revoit !