Page:Le Parnasse contemporain, III.djvu/306

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Loin de vous, dans les bois, j’allais aussi m’asseoir,
Commençant des sonnets que j’achevais le soir,
Pensant à des baisers comme on pense à des crimes.

Hélas ! tout mon bonheur est parti par lambeaux ;
Je n’aime plus ces vers que je trouvais si beaux,
N’ayant plus vos grands yeux où je cherchais mes rimes.




SONNET


Un véritable, un seul, un éternel amour,
Rêve fou qui toujours obsède ma pensée,
Fantôme qui, debout dans mon âme insensée,
M’empêche de jouir des biens de chaque jour.

N’ai-je pas vu mourir chaque chose à son tour,
Chaque forme bientôt par une autre effacée ?
Mon âme, si souvent trahie et délaissée,
N’a-t-elle pas senti que tout fuit sans retour ?

Quand comprendrai-je enfin, libre d’un vain tourment,
Que nous n’avons à nous que l’ombre d’un moment ;
Qu’il faut s’abandonner sur l’heure à son envie ?