Page:Le Peuple vosgien 1849-12-15.pdf/4

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 4 —

Une souscription est ouverte à cet effet au bureau du Peuple Vosgien à Épinal ; les fonds seront versés chez notre ami Quillot, notaire à Corcieux.

Le Patriote de samedi 8, annonce par un avis important, que la publication du Peuple Vosgien est ajournée indéfiniment. — La meilleure réponse que nous puissions faire est de lui adresser le 1er numéro que nous tirons à 3000 exemplaires.


Intérieur.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

La droite renonce à employer la tactique que plusieurs journaux avaient signalé. La loi du rétablissement de l’impôt sur les boissons sera discuté, on n’ose pas braver l’opinion du pays, touchant cette question.

M. Pradier a ouvert la marche, mais les vérités qu’il a adressées à la majorité n’étant pas du goût de celle-ci, elle n’a rien trouvé de mieux à faire que de tapager. Il a fallu les avertissements reïtérés de M. Dupin pour la réduire au silence. — À M. Pradier, a succédé M. Kératry, ex-pair de Louis-Philippe, vieux harnais moisi sous toutes les monarchies passées. Le cher homme aime beaucoup les impôts et celui des boissons en particulier ; aussi s’est-il écrié : « Si ce dernier n’existait pas, il faudrait l’inventer. » — Le citoyen Charancey, marchand de cidre normand, a, à son tour appuyé comme le préopinant Kératry, le rétablissement de l’impôt.

La discution n’est véritablement devenue sérieuse qu’à l’apparition de M. Bastiat à la tribune, et en quelques mots il a fait sortir la discussion du bas-fond, où MM. Kératry et Charancey l’avaient plongée.

Il a fait ressortir les iniquités de l’impôt dans les effets et dans les principes. Dans son principe, il est entâché d’iniquités, puisqu’il grève le pauvre plus que le riche. Dans ses effets, il est vexatoire par son mode de perception, plus vexatoire que jamais impôt ne l’a été.

M. Bastiat ne s’est pas borné seulement à flétrir l’impôt des boissons, il a attaqué tout notre système d’impôt indirect ; toutes ces questions qui se ratachaient à des considérations générales de politique, ont fait bondir la droite sur ses bancs.

L’effet de ce discours été si grand, qu’on a envoyé à la tribune M. de Montalembert, le grand économiste, pour y répondre, mais celui-ci a prudemment demandé de remettre la discussion à demain.


Voici le calcul auquel on s’est livré sur le vote de l’impôt des boissons :

« La minorité, loin de s’abstenir comme on l’a dit, vote avec ensemble. Les hommes qui partagent les opinions du général Cavaignac se joindront à elle, ce qui portera le chiffre total des membres de la gauche à 208.

« Puis viendront les conservateurs et les légitimistes qui ont promis à leurs mandans de demander l’abolition de l’impôt et le maintien du décret de la constituante. On porte leur nombre à 120. Quoique ce chiffre paraisse exagéré, il approche de la vérité, s’il ne l’atteint pas.

« Si nos calculs sont exacts, il y aura donc 328 bulletins qui protesteront contre les conclusions du rapport. Si, comme cela est probable, le nombre des votans est de 700, le cabinet n’aura qu’une majorité relative de 22 voix ! »


M. Lamennais a déposé une pétition des habitants de la commune de Longeville (Meuse), laquelle demande le maintient du décret de l’assemblée constituante qui abolit l’impôt sur les boissons. — Sur 359 habitants, il y a 358 signatures.

— Le citoyen Baune a déposé les pétitions de Montmartre, de Bercy, de Beurnouville, et de plusieurs communes du département de l’Eure, contre l’impôt des boissons.

— Le citoyen Charles Lagrange a déposé deux pétitions, l’une de la commune d’Aigre (5me envoi de la charente) ; l’autre de la commune de Saint-Seine-sur-Vingeance (Côte-d’Or), réclamant contre le projet de rétablissement de l’impôt sur les boissons.

— Les pétitions déposées précédemment portent le chiffre des signataires contre le rétablissement de cet impôt à près de 800 000 mille.


Extérieur.

Francfort, 8 décembre. — D’après un bruit qui circule ici depuis plusieurs jours et qui trouve beaucoup de créance, un corps d’armée Autrichien de 10, 000 hommes doit se rassembler sous peu dans la contrée du Mein inférieur. Déjà l’on serait en pourparlers pour des marchés de livraisons nécessaires à l’entretien de ce corps ; plusieurs de ces marchés seraient même déjà conclus. On donne pour motif à cette démonstration militaire, le résultat des dernières élections de la Hesse. — 800 Autrichiens viennent d’arriver à Francfort pour renforcer la garnison.

(Volks Halle).

— On lit dans la Correspondance lithographiée : « Les Polonais ne veulent pas élire de députés au parlement d’Erfurt. Invoquant les traités de 1815, ils ne reconnaissent pas l’incorporation du grand-duché de Posen, dans la confédération allemande, et demandent en conséquence que même les Allemands de cette province ne prennent aucune part aux élections. Les membres polonais de la seconde chambre ont fait une proposition urgente dans ce sens.

» Les réjouissances qui ont eu lieu dans plusieurs endroits en l’honneur de l’acquittement de M. Waldeck, n’ont provoqué aucun désordre. M. Waldeck n’a paru qu’au banquet donné par le quartier où il demeure, et il a exprimé sa reconnaissance en peu de mots.

» Pour la première fois aura lieu la semaine prochaine une procédure disciplinaire contre plusieurs fonctionnaires qui, à l’occasion des événements de novembre 1848, se sont rendus coupables dans l’exercice de leurs fonctions. Six d’entre eux, membres du gouvernement de Dusseldorf, sont accusés d’avoir favorisé le refus des impôts. »

ALLEMAGNE. — berlin, le 10 décembre. — Dépêche télégraphique de la Gazette de Cologne : « J’apprends à l’instant que MM. de Radowitz et Bœticher, partant mercredi ou jeudi prochain pour Francfort, où doit arriver en même temps la commission Autrichienne.

» On annonce que maintenant le vicaire de l’empire est disposé à abdiquer.



VARIÉTÉS.

LE CULTIVATEUR ET LA BONNE RÉCOLTE.

De tous les coins de la France, de toutes ces riches campagnes sur lesquelles la Providence a répandu cette année et l’année dernière toutes les munificences de la nature, des plaintes et des gémissements s’élèvent ; les populations effrayées voient déjà apparaître, avec les feuilles tombantes, le fantôme de la misère.

Tandis que les granges sont encombrées de gerbes, que déjà les grains de blé ruissèlent sous le fléau des batteurs ; que les grappes de raisin pendent aux ceps plus nombreuses que les feuilles ; que la chaleur a promis aux vignerons une récolte sinon exquise, du moins très-abondante ; — le fantôme de la misère apparaît.

Chose incroyable, monstrueuse anomalie ! qui fera frémir nos descendants d’indignation s’ils parviennent à la comprendre : c’est l’abondance même de tous les produits du sol qui amène la ruine et le désespoir des producteurs agricoles ; c’est la richesse qui enfante l’indigence.

Oui, le laboureur contemple avec regret et douleur ces gerbes entassées, ces grains pleins et mûrs qui vont rendre sous la meule des torrents de farine ; oui, le vigneron verse des larmes de désespoir, en comptant ces grappes innombrables qui vont remplir ses cuves d’un vin généreux.

Oui, les travailleurs du sol se ruineront chaque fois que la récolte sera trop bonne.

Comprenez-vous ? la récolte est trop bonne ! c’est-à-dire que le blé et le vin se vendent à vil prix ; que le propriétaire cultivateur retirera à peine de ses produits la somme nécessaire pour alimenter l’usure qui le ronge ; que le fermier ne rapportera pas même du marché le loyer de ses terres, et sera contraint, pour éviter son expulsion du domaine qu’il exploite, de vendre jusqu’aux provisions nécessaires à sa famille.

Le laboureur mangera du pain noir, cet hiver, parce qu’il aura récolté trop de froment ; le vigneron boira de l’eau pour avoir fait trop de vin.

La récolte est trop bonne ; et pourtant, dans chaque centre de population, grand ou petit, combien de malheureux iront quêter de porte en porte un morceau de pain qui les soutienne ; combien vont languir épuisés sur leur grabat ou tomber de faiblesse sur le bord d’un chemin faute d’un peu de vin qui les ranime.

Une seule classe profitera de l’abondance comme elle profite de la disette. C’est la classe des intermédiaires parasites qui règlent le cours des marchés, des spéculateurs qui exploitent le producteur dans les années fécondes, et rançonnent le consommateur dans les années stériles.

Et les gouvernements qui se sont succédés jusqu’à ce jour n’ont pas reconnu la monstrueuse iniquité de ce coupable trafic.

Ou s’ils l’ont reconnue, ils ont déclaré ne pas devoir intervenir ; ils ont déclaré cela au nom de la liberté du commerce.

Et il existe dans le monde une école qui s’intitule économiste, école inhumaine, immorale et impie, qui, sacrifiant l’inviolabilité humaine à l’inviolabilité des écus, a le courage de proclamer, en face de ces révoltantes iniquités, sa fameuse et triste doctrine du laisser-faire, laissez-passer.

Oui, laissez faire l’exploitation, l’agiotage, le trafic et l’usure !

Laissez passer la ruine, la banqueroute, la famine et la mort !

Eh quoi ! sur cette terre privilégiée où mûrissent tant de produits divers, sur ce sol généreux que peuple trente-cinq millions de têtes humaines, le producteur maudit l’abondance des récoltes, tandis que des millions d’hommes, de femmes et d’enfants sont réduits à une nourriture grossière, insuffisante et insalubre !

Le froment surabonde, et des provinces entières ne se nourrissent que de pâte de maïs, sarrasin, châtaigne, etc. ; le vin ne vaut pas quelquefois la valeur des futailles qui le contiennent, et la moitié des habitants de la France est privée de l’usage du vin.

Et vous ne comprenez pas qu’il y a là un vice caché, radical, dont la source réside à la base même de nos institutions économiques ; vous ne voyez pas que notre état social est atteint au cœur d’un ulcère qui le ronge ; vous ne vous dites pas qu’il faut réformer bien vite cette organisation désastreuse, anti-humaine et anti-divine ; qu’il est temps de porter enfin résolument le scalpel dans ces plaies vives de la société, si vous ne voulez pas que la civilisation meure d’épuisement ou se déchire en lambeaux dans les convulsions d’une sanglante agonie !

Les travailleurs ne consomment pas : voilà le vice auquel il faut remédier ; voilà la pluie mortelle qu’il s’agit de guérir.

Les travailleurs souffrent de la disette et ne profitent pas de l’abondance, parce que le salaire décroît toujours en proportion du prix des denrées.

La plupart des produits demeurent au-dessous de leurs ressources, parce que la distribution des produits est mal faite.

Substituez l’association au salaire, cautérisez le chancre de l’usure en remplaçant le crédit particulier par le crédit de l’État ; organisez un vaste système de distribution équitable et de répartition économique ; supprimez les agents parasites, mettez la providence sociale à la place de l’incohérence individuelle, faites enfin que le producteur consomme et vous aurez résolu à la fois tous les problèmes de l’industrie, de l’agriculture et du commerce.

Alors la production, quelqu’abondante qu’elle soit, aura toujours un écoulement fructueux et facile, et le consommateur trouvera dans l’épargne sociale des ressources contre les années malheureuses, alors on ne verra plus des malheureux mourir de faim à la porte des magasins où le blé se pourrit, en attendant que la famine progresse, et le laboureur ne maudira plus la fertilité de son champ.


séance du 13 décembre.

6 heures du soir. — Nous apprenons, par notre correspondance particulière, qu’à la séance de l’assemblée nationale du 13, M. le ministre de l’instruction publique a présenté un projet de loi concernant les instituteurs, qui a soulevé une des tempêtes les plus orageuses que les annales parlementaires puissent compter.

Ont voté contre, les citoyens Forel, Huot.

Se seraient abstenus, Perreau et Fervrel.

Auraient voté pour, MM. Resal, de Ravinel, Houel et Aubry (Maurice).


Le Rédacteur Gérant, A. Thérin.


ANNONCE.

VENTE
PAR SUITE
de Cessation de commerce.

M. CLAUDE-VALENTIN, marchand de vins à Bruyères, voulant cesser son commerce au 1er janvier prochain, cèdera, soit en gros, soit en détail, et au besoin au-dessus du cours, le matériel de son établissement, et tous ses vins consistant principalement en :

Bourgogne de Volney, de Pomard et de Beaune, etc., 1er, 2e et 3e choix, et en qualité ordinaire.

46 de Lorraine et de Bar-sur-Aube,

Et autres spiritueux.

Le tout formant une quantité d’environ 1 000 hectolitres.

Cette vente devra être terminée pour le 20 décembre prochain.

Nota. Ce serait une belle occasion pour un jeune homme qui voudrait s’établir marchand de vin en gros…

S’adresser (franco) au-dit M. CLAUDE.


Remiremont, Imp. et Lith. Mougin.