Page:Le Roman de Tristan et Iseut, renouvelé par J. Bédier.djvu/237

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comment par ruse le comte donna le cœur de Guron à manger à sa femme, et la douleur de celle-ci.

La reine chante doucement ; elle accorde sa voix à la harpe. Les mains sont belles, le lai bon, le ton bas et douce la voix.

Or, survient Kariado, un riche comte d’une île lointaine. Il était venu à Tintagel pour offrir à la reine son service, et plusieurs fois depuis le départ de Tristan, il l’avait requise d’amour. Mais la reine rebutait sa requête et la tenait à folie. Il était beau chevalier, orgueilleux et fier, bien emparlé, mais il valait mieux dans les chambres des dames qu’en bataille. Il trouva Iseut, qui faisait son lai. Il lui dit en riant :

« Dame, quel triste chant, triste comme celui de l’orfraie ! Ne dit-on pas que l’orfraie chante pour annoncer la mort ? C’est ma mort sans doute qu’annonce votre lai : car je meurs pour l’amour de vous !

— Soit, lui dit Iseut. Je veux bien que mon chant signifie votre mort, car jamais vous n’êtes venu céans sans m’apporter