Page:Le Roman de Tristan et Iseut, renouvelé par J. Bédier.djvu/75

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« Tu es Tristan de Loonnois, le meurtrier du Morholt, mon cher oncle. Meurs donc à ton tour ! »

Tristan fit effort pour arrêter son bras ; vainement ; son corps était perclus, mais son esprit restait agile. Il parla donc avec adresse :

« Soit, je mourrai ; mais pour t’épargner les longs repentirs, écoute. Fille de roi, sache que tu n’as pas seulement le pouvoir, mais le droit de me tuer. Oui, tu as droit sur ma vie, puisque deux fois tu me l’as conservée et rendue. Une première fois, naguère : j’étais le jongleur blessé que tu as sauvé quand tu as chassé de son corps le venin dont l’épieu du Morholt l’avait empoisonné. Ne rougis pas, jeune fille, d’avoir guéri ces blessures ; ne les avais-je pas reçues en loyal combat ? ai-je tué le Morholt en trahison ? ne m’avait-il pas défié ? ne devais-je pas défendre mon corps ? Pour la seconde fois, en m’allant chercher au marécage, tu m’as sauvé. Ah ! c’est pour toi, jeune fille, que j’ai combattu