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rard avait trouvé la force nécessaire pour lutter seul pendant six ans contre Marie Alacoque, le Sacré-Cœur de Jésus, les jésuites et son évêque.

XXX

Un Ambitieux.

Il n’y a plus qu’une seule noblesse, c’est le titre
de duc ; marquis est ridicule ; au mot duc on
tourne la tête.
Edinburgh Review.

Le marquis de La Mole reçut l’abbé Pirard sans aucune de ces petites façons de grand seigneur, si polies mais si impertinentes pour qui les comprend. C’eût été du temps perdu, et le marquis était assez avant dans les grandes affaires, pour n’avoir point de temps à perdre.

Depuis six mois, il intriguait pour faire accepter à la fois au roi et à la nation un certain ministère, qui, par reconnaissance, le ferait duc.

Le marquis demandait en vain, depuis longues années, à son avocat de Besançon un travail clair et précis sur ses procès de Franche-Comté. Comment l’avocat célèbre les lui eût-il expliqués, s’il ne les comprenait pas lui-même ?

Le petit carré de papier, que lui remit l’abbé, expliquait tout.

— Mon cher abbé, lui dit le marquis, après avoir expédié en moins de cinq minutes toutes les formules de politesse et d’interrogation sur les choses personnelles ; mon cher abbé, au milieu de ma prétendue prospérité, il me manque du temps pour m’occuper sérieusement de deux petites choses assez importantes pourtant : ma famille et mes affaires. Je soigne en grand la fortune de ma maison, je puis la porter loin ; je soigne mes plaisirs, et c’est ce qui doit passer avant tout, du moins à mes yeux, ajouta-t-il, en surprenant de l’étonnement dans ceux de l’abbé Pirard. Quoique homme de sens, l’abbé était