Page:Le Salmigondis tome 1 1835.djvu/392

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lèrent à M. de Vaudreuil comme dispensateur de la justice, pour que son pupille fût livré à toutes les rigueurs des lois. Ce devoir pénible fut épargné au marquis, par la fuite d’Eugène, qui prit à la hâte congé d’Aimée et sortit de l’île. Personne ne sut de quel côté il tourna ses pas ; et plusieurs pensèrent qu’il avait passé dans l’armée anglaise. Les parens de du Plessis accréditèrent ces bruits déshonorans pour le jeune Bougainville ; et tant de circonstances semblaient les confirmer, que M. de Vaudreuil lui-même, ne recevant aucunes nouvelles du fugitif, crut enfin à son apostasie. On ne put savoir non plus ce qu’était devenue Aimée, qui disparut huit jours après le départ de son amant : seulement on avait remarqué vers ce temps un léger canot balancé sur les flots des effrayans rapides de la Chine, et s’approchant de l’île solitaire qui gîte au milieu de leurs brisans. On pensa qu’elle était dans le canot ; car il était connu que cette île avait été sa retraite pendant ses absences du couvent ; et nul être humain, hors sa nourrice ou elle-même, n’aurait tenté d’y aborder. Mais pour revenir à Bougainville, vous savez sans doute qu’un parti de Français le tira dernièrement des mains d’une