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puisque je vais où m’appelle la volonté des dieux et de mes amis. »

Ce qui : caractérise Proudhon, toute sa vie durant, c’est ces deux qualités : quelles que soient les vicissitudes de sa fortune, il est resté peuple, et il est resté libre et indépendant. C’est d’ailleurs un peu le caractère des hommes de son pays, la Franche-Comté, pays des montagnes. Et cette idée de liberté, d’égalité, d’indépendance, se retrouve partout dans son œuvre. Comme je l’ai dit, Proudhon était pauvre. Il ne pouvait pas avoir d’autre instruction que celle qu’il s’est donnée à lui-même. Il profitait de ses loisirs pour lire on peut dire des bibliothèques tout entières. Quand je suis allé à Besançon, j’avais la curiosité de passer par sa bibliothèque, qui contient plusieurs manuscrits de Proudhon, et dont il a dû absorber le riche contenu.

Voici ce que raconte un de ses biographes, Sainte-Beuve, le grand critique littéraire, qui ne partagea pas ses idées, mais qui écrivit un livre remarquable sur Proudhon :

« Dans son ardeur au travail et sa soif d’apprendre, Proudhon ne se contentait point de l’enseignement de ses maîtres. Dès l’âge de douze à quatorze ans, il fréquentait assidûment la bibliothèque de la ville. Une curiosité le menait à l’autre, et il demandait livre sur livre, quelquefois huit ou dix dans la même séance. Le savant bibliothécaire, l’ami et presque le frère de Charles Nodier, M. Weiss, s’approcha un jour de lui, et lui dit en souriant : « Mais, mon petit ami, qu’est-ce que vous voulez faire de tous ces livres ? » L’enfant leva la tête, toisa l’interlocuteur et pour toute réponse : « Qu’est-ce que cela vous fait ? » Et le bon M. Weiss se le tînt pour dit ce jour-là ».

C’est tout le caractère de Proudhon.

Il apprit le métier de typographe et fit le tour de France, comme un simple ouvrier. Souvent, il se trouvait sans argent et sans ouvrage. Heureusement pour lui, en 1820, à 20 ans, il attira sur lui l’attention d’un compatriote, Fallot, dont il corrigea, en sa qualité de correcteur d’imprimerie, un livre écrit en latin. Frappé de l’intelligence vive de Proudhon, il décrit son caractère en ces termes enthousiastes :