Aller au contenu

Page:Le Sylphe - Poésies des poètes du Dauphiné, tome 1, 1887.djvu/219

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

REVUE DES ÉCRIVAINS DAUPHINOIS 21 LE BAISER DE LA RELIGIEUSE NOUVELLE Par Emile TROLLIET. (suite) Et contre mon gré, il me dit alors qui elle était et où elle habitait, et continuant avec plus d'animation que jamais, comme si en ce moment la souffrance mortelle qui lui venait de sa bles sure eut disparu toute entière devant l'intensité de ses préoccu pations morales, il ajouta : — Vous pourrez facilement la voir à l'évêché de..., car voulant de son côté faire beaucoup de bien pour réparer le mal de notre liaison, elle prenait une part active et généreuse aux œuvres de charité protégées par le diocèse. Soyez charitable à votre tour pour elle; ne lui refusez pas l'aumône de mes derniers adieux. Oh! par pitié, par cette bonté que je lis sur vos traits, par ce désir d'éternelle bienfaisance que je devine en votre âme, soyez le consolant intermédiaire entre nos deux douleurs. J'étais ébranlé, je l'avoue, et je sentais grandir en moi cet instinct de pitié qui se lève, attendrissant et invincible, dans le cœur de tout homme, en face de l'homme qui implore et qui souffre; mais je sentais bien aussi qu'il m'était impossible de rendre des lettres d'amour qui perpétueraient pour ainsi dire l'adultère au-delà même de la mort, impossible de porter à une épouse cet aliment nouveau et toujours vivant d'une illégitime passion. Que faire? Je me recueillis un moment, je fis dans mon âme un ardent appel à Celui qui, seul, reste calme où nous nous troublons, et voit clair où nous nous égarons. Je le priai de me faire trouver une solution qui sauvât la morale sans blesser l'humanité; je le suppliai de m'inspirer une réponse qui pût à la fois persuader un pécheur et consoler un martyr. Alors, sou tenu par le Dieu tout-puissant et tout bon, j'essayai de faire revenir le mourant lui-même sur sa demande, et ne pas m'im- poser la cruelle nécessité de lui répondre par un refus. Je lui dis qu'en me laissant brûler ces lettres, il assurait mieux encore la sécurité de celle qu'il aimait, car ces lettres rendues, pouvaient un jour être surprises et causer ainsi un irréparable malheur. Je lui dis encore que ce Dieu de clémence et de pardon qu'il invo quait tout à l'heure, saurait, mieux que nous, prodiguer à la femme inquiète des apaisements et à la femme affligée des con solations. Je lui dis enfin, que ce même Dieu, voulant sans