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Page:Le Sylphe - Poésies des poètes du Dauphiné, tome 1, 1887.djvu/223

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LE SYLPHE REVUE DES ÉCRIVAINS DAUPHINOIS. TRISTESSE MODERNE POUR HORRIPILER LES CLASSIQUES A C. Niemand. Ce sont les fleurs étranges du pavé. Annhb Gill. Lentement, voluptueusement, elles s'en vont nonchalantes, les belles chaloupes de mer aux flancs lourds! Dans la fraîcheur du matin, dans le vol heurté des mouettes, elles partent, les mutines barques, avec un frisson coquet et l'envolement des immenses voiles blanches. Elles partent, les petites folles, fières de leur corset rose, ou noir, ou bleu, et, dédaigneuses des abris sûrs du port, lasses des mouillages tranquilles à l'ombre des quais, les voilà qui rêvent de voyages et de pays lointains où les ba teaux sont doublés de cuivre rouge, ou la mer caresse au lieu de mordre! Puis, ivres de liberté, et trop oublieuses des orages traîtres, on les voit, pour se venger des injures reçues naguère, maltrai ter la vague et piaffer dans le flot . . . Oh! comme le ciel noircit à l'horizon et comme l'eau prend des reflets métalliques ! — Qu'a donc fait la mer monstrueuse des jolies chaloupes au corsetrose?... — Pauvres petites chaloupes ! . . .

Lentement, aussi, et lascivement, elles s'en vont par les rues, par les quais, par les boulevards, les belles filles de Paris aux hanches larges. Elles passent dans les brumes matinales ou sous les reverbères louches avec un frémissement de soie froissée; les toutes jeunes, celles de quinze ans, et les toutes vieilles, celles de vingt-cinq, ont le même œil redoutable et le même pli nar quois au coin de la lèvre, et toutes possèdent également la science du Mal. — La chair fouettée de désirs âpres, avec la névrose sous leur front, elles traînent à leur suite des jeunes hommes qui 1" Volume. — 4e Livr.