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Page:Le Sylphe - Poésies des poètes du Dauphiné, tome 1, 1887.djvu/253

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REVUE DES ÉCRIVAINS DAUPHINOIS 55 noble voyageur s'écria, avec admiration, en s'adressant à son interlocuteur : — Quel beau panorama vous avez là, Monsieur le Président ! Certes, d'autres eussent bien pu prononcer cette parole, rien de plus facile ; mais celui qui s'exprimait de la sorte était le cygne mélodieux qui avait modulé les Harmo?iies: les Méditations et tant d'autres hymnes vibrantes; c'était l'un des plus grands poètes de la France, c'était Alphonse de Lamartine! Lamartine qui avait vu l'Italie, l'Orient, les aspects enchantés des pays du soleil, Lamartine, qui avait le beau suprême dans sa pensée, adressait un bienveillant hommage à la plaine valentinoise et à son cadre ravissant ! Celui qui l'accompagnait était, en effet, le digne président du tribunal, M. Planel. Ce brave magistrat était le petit-fils du célè bre docteur Arnulphe Daumont, si plein d'érudition médicale, qui jouissait d'une magnifique renommée. — Valence n'a pas oublié les qualités juridiques et patriarcales de M. Planel. Il honora le Palais de notre ville, si brillamment illustré par Cujas. D'ail leurs, sous le ciel valentinois, la magistrature a donné des hommes éminents à la France, entre autres, dans la famille Bérenger, qui compte actuellement, parmi ses membres, un noble representant de la Drôme au Sénat, rempli de sollicitude éclairée pour son pays. Le patriotisme est de tradition sacrée dans cette maison hors ligne, et M. Bérenger se souvient des enseignements de ses aïeux, toujours dévoués à la France. En venant dans nos parages, Lamartine s'arrêta à Tain, dans une demeure d'élite. Or, il y avait là une charmante jeune fille, qui réalisait le type de la beauté patricienne. Avec sa grâce excep tionnelle, Mademoiselle de L*** présenta son album à l'illustre poète, afin que celui-ci y écrivit quelque chose, en souvenir de la visite dont il avait honoré sa famille. C'était une perle, une tur quoise, un saphir qu'il allait y déposer, car bientôt, les yeux ravis de ses hôtes y lurent ce délicieux quatrain : Je ne vis qu'en passant ton céleste visage ; Mon œil depuis ce jour est ébloui de toi. Je plains le flot du Rhône où se peint ton image, Il la perd en fuyant, je l'emporte avec moi ! De pareils vers peuvent bien être joints à un blason et l'illuminer d'un rayon nouveau. A eux seuls, avec le glorieux nom de leur auteur, ils consacreraient une réputation de beauté, fût-ce celle de Laure de Sade, ou bien celle de Paule de Toulouse. Adèle SOUCHIER.