Page:Le Testament de Jean Meslier - Tome 1, 1864.pdf/43

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Ce n’est pas une prophétie que je viens de faire, c’est un calcul. L’état actuel de la société proclame à haute voix la vérité de ce que j’avance ; les lois d’harmonie et de progrès, qui régissent la nature, le démontrent d’une manière irréfutable. Tout ce qui existe tend au développement, l’avenir provient du présent, comme le présent est le résultat du passé. L’Histoire n’est que la connaissance des filiations de causes et d’effets, de la marche de la vérité et de la justice à travers les sentiers tortueux et les labyrinthes de l’égoïsme vulgaire ; cette marche est tantôt ouverte et triomphante, tantôt couverte et pénible ; mais toujours elle avance, jamais elle ne retrograde. Rompu, brisé par l’impétueux élan des dernières années du XVIIIe siècle, l’esprit humain, l’esprit de vérité et de justice, s’est affaissé pour un temps sous l’ivraie et les broussailles qui encombrent sa route ; sa marche est lente et saccadée, l’oeil scrutateur ne la suit qu’avec le plus grand effort, tant que suivre lui est possible. Elle se montre tantôt sous une forme mystique, tantôt dans une œuvre sociale, elle se révèle un jour par la suppression, l’amendement ou l’adoption de quelque loi, l’autre jour par les discussions soulevées à l’occasion d’une canonisation ou de quelque décret théocratique semblable. Les encyclopédistes sont morts, leurs os sont tombés en poussière, leurs livres ne se réimpriment plus, mais leur esprit vit toujours et prépare dans le monde des idées de notre époque, la grande ère qui va venir. Je ne suis ni Saint-Simonien, ni Positiviste, je ne suis ni Socialiste, ni Communiste, mais je suis convaincu que tous ces systèmes, plus ou moins mystiques, sont les fruits du siècle qui suit la glorieuse époque des encyclopédistes, et que tous ces systèmes, malgré les formes maladives de l’époque d’épuisement d’abord et de transition ensuite, qui les a vus naître, sont les preuves irrécusables et les manifestations de la marche du progrès pendant le XIXe siècle. Donc cette marche n’est pas interrompue, mais elle s’est ralentie ; l’armée des défenseurs de la vérité et de la justice n’est pas détruite, mais démoralisée par l’oppression, sous laquelle elle se courbe, depuis l’aveu de son démembrement et de sa fai-