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tout ce qui peut servir à leurs divertissemens et à leurs plaisirs. Qu’est-ce-que ce seroit, par exemple, des plus grands Princes et des plus grands Potentats de la terre, si les peuples ne les soutenoient ? Ce n’est que des Peuples, qu’ils ménagent cependant si peu, ce n’est, dis-je, que des peuples qu’ils tirent toute leur grandeur, toutes leurs richesses et toute leur puissance, en un mot ils ne seroient rien que des hommes foibles et petits comme vous, si vous ne souteniez leur Grandeur, ils n’auroient pas plus de richesses que vous, si vous ne leur donniez pas les vôtres, et enfin ils n’auroient pas plus de puissance ni d’autorité que vous, si vous ne vouliez pas vous soumettre à leurs loix ? Si tous ces gens-là, dont je viens de parler, partageoient avec vous la peine du travail, et s’ils vous laissoient également, comme à eux, une portion convenable de ces biens, que vous gagnez et que vous faites si abondamment venir à la sueur de votre front, vous seriez d’un côté beaucoup moins chargés et beaucoup moins fatigués, et d’un autre côté vous auriez beaucoup plus de repos et de douceurs dans la vie, que vous n’en avez. Mais non, toute la peine est pour vous et pour vos semblables, et tout le bien est pour les autres, quoiqu’ils le méritent le moins, et c’est pour cela que ces pauvres peuples ont tant de mal et tant de peine dans la vie. On voit, dit Mr. de la Bruyère dans ses Caractères[1], on voit, dit-il, certains animaux farouches, des mâles et des femelles, répandus dans la campagne, noirs, livides et

  1. Ch. de Th. pag. 410.