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tempérament entre l’autorité de l’un et l’obéissance de l’autre, maintenoit sagement les privilèges et les libertés du Roïaume ; ce corps,[1] dis-je, qui dans les siècles précédens attiroit l’admiration des Nations voisines, par sa justice et son intégrité, ne sert plus maintenant que d’organe mercenaire à la cour, pour légaliser toutes ses injustices et ses concussions ; mais on lui pardonneroit encore cette vile complaisance, dans un tems où il est si dangereux de contredire, s’il s’étoit reservé son ancienne intégrité dans l’administration de la justice, et c’est ce que l’on ne voit plus on diroit que son tribunal est devenu l’écueil de l’équité naturelle,[2] parce que la chicane et les formalités l’y renversent à tous momens, ou plutôt c’est un théâtre public, où la brigue, la faveur de la cour et l’intérêt particulier jouent impunément la justice et les loix. En un mot, ce corps, autrefois si auguste, n’est plus qu’un vain fantôme de ce qu’il a été, n’aïant plus rien de l’ancien que le nom, la robe et le bonnet.

Il ne paroit que trop, par tous ces changement, que l’ordre naturel est entièrement perverti dans le Roïaume et que la France est en elle-même la prémière victime de l’ambition de ses Rois, puisque tout s’y raporte à une vaine image de gloire, qui n’est que pour eux et que cette vaine image sert à apésantir toujours plus les chaines ; sous lesquelles elle gémit depuis ces derniers règnes. Aussi y a-t’-il lieu de s’étonner que les François, qui prétendent, être les plus polis et les plus éclairés que tout le reste du monde,

  1. Parlement esclave.
  2. Corruption de la justice.