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THÉÂTRE DE LA RÉVOLUTION

HÉRAULT, montrant Camille embrassant Lucile.

Regarde-le : le devoir de notre Camille ne te semble-t-il pas d’être heureux ?

CAMILLE.

C’est vrai ; j’ai une vocation merveilleuse pour le bonheur. Il y a des gens qui sont faits pour souffrir. Moi, la souffrance me dégoûte : je n’en veux point.

LUCILE.

Ai-je contrarié ta vocation ?

CAMILLE.

Ma Vesta, mon bon loup, ma petite Laridon !… Tu es une grande coupable ! Tu m’as fait trop heureux.

LUCILE.

Oh ! le lâche qui se plaint !

CAMILLE.

C’est que j’en ai perdu, vois-tu, toute force, toute foi.

LUCILE.

Comment cela ?

CAMILLE.

Je croyais autrefois à l’immortalité de l’âme. Quand je voyais les misères du monde, je me disais : le monde serait trop absurde, si la vertu n’avait sa récompense ailleurs. Mais maintenant, je suis si heureux, si complètement heureux, que je crains d’avoir reçu ma récompense sur terre ; et j’ai perdu ma démonstration de l’immortalité.

HÉRAULT.

Tâche de ne jamais la retrouver.

CAMILLE.

Qu’il est simple d’être heureux ! Et il y a si peu de gens qui savent l’être !

HÉRAULT.

Plus une chose est simple, plus elle échappe aux hommes. On prétend que les hommes veulent être heureux. Quelle