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DANTON

fit de se taire un instant, pour faire sentir le vide énorme du monde, quand ils ne sont plus pour le remplir. Je sers ma popularité même en m’écartant. Au lieu de disputer le pouvoir aux Achéens, je le laisse écraser leurs débiles épaules.

CAMILLE.

Le premier usage qu’ils en feront, ce sera contre toi. Toute la meute des Vadier se ruera à la curée.

DANTON.

J’en découdrai plus d’un ! Je suis habitué à combattre les monstres. Enfant, je luttais avec les taureaux. Ce nez écrasé, cette lèvre décousue, ce mufle, portent encore l’empreinte de leurs cornes sanglantes. Des porcs à demi-sauvages, un jour que je les poursuivais à grands cris dans les prés, m’ont mordu férocement au ventre. Je ne crains point les Vadier. Et puis, ils sont trop lâches.

CAMILLE.

Se cependant ils osaient ? Pour se donner du cœur, ils viennent de rappeler Saint-Just de l’armée, on dit qu’ils attendent son retour pour agir.

DANTON.

Eh bien, s’ils me poussent à bout, que la responsabilité de la lutte les écrase ! J’ai le cuir dur et supporte patiemment les affronts. Mais du jour où je me lancerai contre eux, je ne m’arrêterai que tout soit abattu. Les misérables ! je ne ferais qu’une bouchée d’eux tous !…



Scène IV

LES MÊMES, ROBESPIERRE, LUCILE
Lucile entre précipitamment.
LUCILE, courant vers Camille, — d’une voix effrayée.

Robespierre !…

Robespierre entre, froid, impassible, il regarde d’une façon aiguë et rapide ; il ne fait aucun geste.