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LE BÛCHER





Prêtre des anciens dieux, fils de la vieille Attique,
Tu n’as jamais aimé le squelette gothique,
Et Tart plus consolant des Païens t’était cher
Voilant les os hideux des splendeurs de la chair.
Pourtant sur ton front pâle on a cloué la bière,
Poëte, et dans le noir gazon du cimetière,
Sous le balancement des longs cyprès en deuil,
On a profondément enfoui le cercueil :
Et nos cœurs étaient pleins d’une tristesse amère.
Va, nous aurions voulu vers la Grèce ta mère
T’emporter, ô doux maître, et, disciples pieux,
Te dresser sous l’azur un bûcher glorieux.
La flamme aurait rougi les vastes mers lointaines ;
Debout sur son tillac, le matelot d’Athènes
Aurait pu voir, pensif, dans la tiédeur du soir,
Pareils à la vapeur fine d’un encensoir,
Ou bien à la fumée au loin d’un feu de pâtres,
Monter, clairs et légers, les volutes bleuâtres.
À l’aube nous aurions longtemps suivi des yeux