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LE TOUR DU MONDE. trouver l’emploi de porteurs de ballots, et ils s’en retournaient chez eux très satisfaits du salaire qu’ils y remportaient. Les 200 autres porteurs étaient au contraire loués pour toute la durée de l’expédition. Les charges à porter, du poids moyen de 25 à 28 kilogrammes, étaient composées de tout ce qui est indispensable à une caravane en marche. En première ligne venaient les marchandises d’échange, représentant l’argent avec lequel, au cours de la route, se paient les vivres : 207 ballots de coton- nade blanche ou bleue ; 23 de mouchoirs, de vêtements ; 31 de perles de verre ; 10 de fil de fer ; 1 de couteaux, miroirs, etc. Puis venaient, pour le service de l’expédition : 2 ballots de poudre, 36 caisses de cartouches, 29 charges pour les tentes, les chaises, tables, lits, couvertures, batterie de cuisine ; 2 charges d’appareils de photographie et de plaques ; 4 charges de médicaments ; 26 caisses de sel, sucre, vins, conserves, café, etc. : 7 caisses d’outils, de provisions de réserve, de torches ; 1 de livres ; 2 char- ges pour un bateau démontable ; 1 charge d’instruments ; 2 caisses de ma- tériel d’éclairage, etc. Aux 400 porteurs chargés de faire voyager sur leur tête ou sur leurs épaules ces 400 charges, s’adjoignirent 31 soldats ou askaris, armés de fusils Mauser, puis des domestiques, des cuisiniers, des guides, etc. Mais ce qui rendait la caravane encore plus nombreuse, c’était la quantité assez considérable de femmes, d’en- fants et mème de vieillards qu’elle devait trainer avec elle. En effet, les soldats et les chefs des porteurs ne consentent pour la plupart à marcher que s’ils sont accompagnés de leur famille. Ils exigent qu’on emmène avec eux cette société, qui leur est indispensable, et il faut convenir que, malgré tous les embarras qu’elle cause, elle peut se justifier mème au point de vue pratique, car, au moment des campements, les femmes sont très TYPE DE SOUAHELI. D’APRES UNE PHOTUGRAPHIE. utiles pour préparer rapidement la nourriture de leurs compagnons. Telle était la petite armée, d’aspect assez étrange, qui, à la fin de décembre 1894, quittait la côte pour se diriger vers la région des grands laes. Suivant l’usage, la caravane s’avançait en file indienne, les sentiers d’Afri- que étant trop étroits pour permettre un autre ordre de marche. En téte de la colonne étaient placés les guides et les interprètes, puis venaient, tout de suite après, MM. de Getzen et de Prittwitz, suivis de quatre Somalis, por- tant les fusils et tenant les mulets de leurs maitres, et d’un peloton de 12 askaris, avec le drapeau de l’expédition et un tambour. Derrière marchait la masse un peu confuse des porteurs. Au centre était un second peloton de soldats, et à l’arrière-garde se tenait le docteur Kersting avec une troisième et dernière section d’askaris, ayant pour mission de pousser les trainards. Tous les matins, à l’aurore, M. de Prittwitz, chargé spécialement du service intérieur du camp, donnait l’ordre au corniste Pésa-Moja de sonner vigoureusement dans son instrument, et dès que cet appel sonore avait retenti, le camp s’animait, les tentes étaient rapidement repliées ; les porteurs indigènes, en poussant les cris dont les nègres sont si prodigues, s’agitaient, se querellaient, juraient et enfin, les chargements étant terminés, se mettaient en marche au son du tambour. Nous n’avons pas à raconter les incidents, d’ailleurs sans intérèt exceptionnel, qui signalèrent les débuts de l’expédition. Elle franchit sans trop de souffrances les steppes des Massai. Le pays ayant déjà été exploré plusieurs fois, il n’y avait rien de bien inattendu à espérer ; les chefs de l’expédition, lorsque leur colonne fut bien entrai- née, pouvaient mème trouver des heures de loisir, et ils en profitaient pour se livrer au plaisir de la chasse. Mais si le gibier d’Afrique était souvent nouveau, il était presque toujours d’une approche difficile. Une fois, cepen- dant, la pièce de gibier abattue avait été un rhinocéros ! Ce beau coup de fusil fut d’autant mieux accueilli que plus de cent porteurs y trouvèrent une ration de viande supplémentaire qui fut très appréciée. Avançant chaque jour assez régulièrement, on atteignait le 22 mars la mission fondée par les Pères blanes d’Alger à Ouchirombo, au sud du lac Victoria. Là on pouvait se reposer, jouir de l’accueil cordial des prêtres français et réorganiser le service des porteurs. Repartie le 14 avril, la caravane, a yant traversé l’Ousoui, était le 2 mai au bord du Nil-Kaghéra, et M. de Getzen voyait s’étendre sous ses regards les plateaux du pays mysté- rieux connu sous le nom de ROUANDA. Il entrait dans la région qu’il était appelé à décrire le premier avec détail, et nous lui laissons désormais la parole. Bien avant que l’on eût fait entrer dans le domaine de la science l’étude des contrées et des populations qui ont été récemment ouvertes à la géographie, la plupart de ces régions avaient eu, d’une façon ou d’une autre, des rapports avec les civilisations européenne ou arabe. Depuis des siècles, les commerçants portugais ont connu les pistes des caravanes qui conduisent au loin dans l’intérieur, et depuis longtemps déjà on avait trouvé le chemin qui relie l’océan Atlantique aux pays du Zambèze. Dans l’Afrique orientale, l’influence arabe était dominante ;