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RIVIÈRE OTTAWA, (PAGE 575.) — CLICHÉ DE LA COMMISSION CANADIENNE POUR L’EXPOSITION FRANÇAISE DE 1900.



UNE MISSION EN ACADIE[1]

ET DU LAC SAINT-JEAN AU NIAGARA.
PAR GASTON DU BOSCQ de BEAUMONT.


LE SAGUENAY. — LES CAPS TRINITÉ ET ÉTERNITÉ. — LE SAINT-LAURENT.


IROQUOIS DE CAUGHNAWAGA, (PAGE 568).
CLICHÉ DE L’AUTEUR.


Dante, illustré par Gustave Doré : telle est la première impression produite par ce fleuve de mort qu’est le Saguenay, prodigieux torrent d’un à deux milles de large sur soixante-cinq de long, coulant entre deux murailles abruptes taillées en plein roc à même la chaîne des Laurentides.

Cet Érèbe aux eaux noires à reflets métalliques est un gouffre insondable, dont l’ancre n’a jamais pu trouver le fond, de bien des centaines de pieds plus bas que le lit du Saint-Laurent.

De Chicoutimi à l’entrée de la baie des Ha ! Ha ! (huit milles en descendant le fleuve), la scène est, certes, déjà bien grandiose, mais elle n’a pas encore cet aspect titanesque qu’elle acquiert plus près de l’embouchure. La baie des Ha ! Ha ! qui est d’une profondeur d’environ sept milles, doit, dit-on, son nom féerique aux exclamations que poussèrent les premiers découvreurs en s’apercevant que ce qu’ils avaient pris pour le principal bras du fleuve, ou l’embouchure de quelque grande rivière, n’était, en réalité, qu’un cul de sac, dont l’arrière-plan est maintenant formé par les prairies de Saint-Alphonse.

Une dizaine de milles après on voit se dresser un énorme roc qui présente, à plusieurs centaines de pieds de hauteur, une face entièrement polie et verticale à laquelle il doit son nom de « Tableau » et qu’heureusement aucun industriel n’a encore songé à utiliser pour y faire peindre quelque gigantesque réclame. Le panorama devient maintenant d’une sauvage grandeur qui ne saurait, je crois, être jamais dépassée ; déjà de loin, à droite, deux énormes promontoires attirent l’attention par leur masse imposante et leur profil majestueux : « Trinité » et « Éternité », tels sont les noms de ces caps qui, bien que de trois hauteurs et ayant chacun une physionomie distincte, ne forment cependant qu’un seul bloc, Sinaï monstrueux de dix-sept cents pieds, surmonté d’un calvaire ! À mesure que le bateau s’en approche davantage, l’impression produite par sa majesté augmente au point de devenir oppressante. Maintenant que le vaisseau paraît frôler les flancs luisants du monstre, on se rend mieux compte de ses effrayantes proportions ; ce sont bien là les assises même du globe, les muets témoins des convulsions de son enfance et qui lui survivront sans doute, quelques éternités encore, lorsque la Vie l’aura quitté. Le roc paraît si près qu’il semble qu’on le toucherait

  1. Suite. Voyez p. 529, 541 et 553.