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et de lauriers. Le buffet d’orgue, en bois sculpté, est décoré du triomphe d’Alexandre, d’après Le Brun, et de scènes où figurent des instruments de musique : anges jouant de la cithare et de la lyre ; David jouant de la harpe devant l’arche ; sainte Cécile jouant de l’orgue. Les autels sont éclatants de statues coloriées : au grand autel, un saint Michel costumé en acteur de Racine, brandissant un bouclier d’or au-dessus du démon terrassé ; dans une chapelle latérale ornée de pampres, un saint Laurent sur son gril, un saint Yves on costume noir d’avocat, un saint Hervé en moine, un petit personnage en habit carré rouge de valet de Molière. Hors de l’église, une chapelle Renaissance, pourvue d’une chaire extérieure, pare aussi son autel de statues de bois coloriées, un Père éternel rouge, une sainte Anne verte, sous un plafond de bois bleu.

À Guimiliau comme à Saint-Thégonnec, l’art ne se complète que par le spectacle de la vie publique. Le dimanche, les paysans des environs, quelques-uns venus de loin, se groupent sur la place, dans le cimetière, devant le porche de l’église. Comme à Roscoff et à Saint-Pol, comme à Landivisiau, les costumes du Léon apparaissent. Les hommes vêtus de drap noir, veste ou habit court à quatre petites basques carrées, long gilet garni de boutons serrés, pantalons tombants, bordures de velours, large ceinture bleue, chapeau rond à rubans, souliers à boucles. En somme une très nette ressemblance avec le sombre costume espagnol, ressemblance aidée encore par les visages rasés, réguliers, fins, le profil net, le regard direct. Les femmes aussi sont vêtues de noir, jupe courte à laisser voir les souliers, petit châle à franges sur les épaules, et la coiffe blanche qui achève le caractère monacal du costume. C’est surtout le jour du pardon, le troisième dimanche de juillet, que l’on peut voir à Guimiliau la belle arrivée des Léonards, hommes et femmes, montés sur les magnifiques chevaux qui sont la fierté du pays. Ce jour-là, les jupes, les châles, les tabliers de couleur, et toutes les coiffes, bonnets pointus, hennins, barbes relevées, étalées sur la nuque, cols dentelés, corsages noirs à galons rouges où bleus, tous ces costumes du passé parent des créatures vivantes.

À 3 kilomètres de là, à Lampaul, l’église aussi est belle avec tout ce qui l’entoure, arc de triomphe et calvaire. Mais le calvaire est abîmé, mais le clocher de l’église a été raccourci par la foudre, et coiffé de plomb.


(À suivre.) Gustave Geffroy.


FEMME DE L’ÎLE DE BATZ.