Page:Le Tour du monde, nouvelle série - 20.djvu/310

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environs de Salon ne souffre pas la confusion avec tel autre produit moins parfait. On laboure les oliveraies comme on laboure les vignes. Trois labours sont nécessaires : le premier en hiver, quand la récolte est terminée, a pour but de régénérer le sol, le second et le troisième sont spécialement destinés à enlever les plantes parasites qui mangent, au détriment de l’arbre, les sucs nutritifs de la terre. On fume les oliveraies comme on fume les vignobles. On taille l’olivier comme on taille la vigne et cette opération doit être conduite avec un soin tout particulier. Il ne s’agit pas, en effet, d’avoir la coquetterie des beaux arbres buissonnants et touffus qui flattent l’œil, mais qui laissent difficilement pénétrer jusqu’aux pousses productrices l’air et la lumière ; on élague donc sans pitié les gourmands, les branches épuisées, pour donner à l’arbre la forme d’une sorte de gobelet et faciliter ainsi la circulation de l’air et la pénétration du soleil. Columelle n’a-t-il pas écrit, il y a 1 800 ans, dans son traité d’agriculture. De re rustica : en labourant l’olivier on le prie de produire, en le fumant on le supplie, en le taillant on le contraint.

Voici maintenant s’avancer l’automne. Dans les vergers de Provence, l’animation est sans pareille ; la gracieuse cueillette des olives va commencer et les jeunes filles affairées, les gentes olivarelles, s’éparpillent dans les vergers pour y accomplir leur tâche au milieu des rires et des chansons. La vraie cueillette, celle qui conserve les fruits intacts et, en les préservant des mâchures, assure à l’huile une qualité exceptionnelle, doit être faite à la main. Ce mode de récolte a, en outre, l’avantage d’éviter de détériorer les jeunes pousses de l’année, ce qui compromet toujours plus ou moins la récolte de l’année suivante. Le gaulage est une œuvre de barbares et on ne l’emploie que lorsque les dimensions de l’arbre ne permettent pas de faire autrement. Les olivarelles travaillent généralement par petits groupes de cinq ; deux jeunes filles, montées sur un chevalet, récoltent les branches supérieures de l’arbre, deux femmes se chargent des branches inférieures et un jeune garçon grimpe à l’intérieur de l’olivier. Chacun porte un panier d’osier retenu à la taille par une ceinture de cuir ; prestes, agiles, les doigts cherchent parmi les feuilles les fruits noirs et savoureux, les paniers s’emplissent en un clin d’ail, les olives pleuvent de toutes parts et s’amoncellent dans les sacs. Mais le froid est quelquefois vif et les jambes engourdies ont besoin de délassement ; aussi la cueillette de l’olive est-elle toujours accompagnée de rondes bondissantes, de danses échevelées qui transforment le labeur en une vraie partie de plaisir. Le soir, le produit de la cueillette est rassemblé sous les hangars des mas. Il ne reste plus qu’à enlever les feuilles et brindilles mêlées aux fruits et qu’à porter les olives aux moulins.

INTÉRIEUR DE MOULIN À HUILE, LA PRESSE.
INTÉRIEUR DE MOULIN À HUILE, LA MEULE.

De même qu’on voit dans nos pays de vignes des pressoirs antiques et démodés où la poutre et la vis en bois sont encore en usage, à côté des pressoirs modernes actionnés par des treuils puissants ou même par la force hydraulique, de même, au pays de l’olive, on voit la meule antique, qu’un mulet fait lentement tourner dans une pile ronde, voisiner avec le moulin à cabestan. Ces vieux moulins ont un cachet extrême : des caves en forme de nefs romanes renferment les appareils qui comprennent la meule, les scourtins, la presse et les piles. Les olives sont d’abord passées à la meule, actionnée, comme nous l’avons dit, par un