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notre inquiétude lorsqu’à 9 h. 30 Evans et ses compagnons rentrent sans avoir retrouve Atkinson. Notre anxiété est d’autant plus justifiée que notre camarade est parti légèrement vêtu. Aussitôt des détachements se mettent en campagne. Finalement, seuls, le cuisinier et moi demeurons à la station.

À mesure que le temps passe, mon anxiété grandit et avec juste raison. Le but de la promenade choisi par Atkinson n’était éloigné que de 1 500 mètres et depuis plus de cinq heures il était absent ; évidemment un accident avait dû lui arriver. À minuit moins un quart enfin, j’entends des voix dans la direction du cap, quelques instants plus tard Meares et Debenham ramenaient notre ami. Il n’est pas en brillant état ; ses mains sont gravement gelées et à la figure il porte plusieurs « morsures » de froid.

Voici ce qui s’était passé. Peu de temps après s’être mis en route, reconnaissant la folie de sa tentative Atkinson avait battu en retraite, alors qu’il n’était qu’à 700 ou 800 mètres de la maison. Les épais tourbillons de neige que la tempête chassait rendaient la nuit encore plus profonde que d’habitude ; il faisait noir comme dans un four, suivant l’expression populaire. Se guidant d’après la direction du vent, Atkinson arriva à une ancienne trappe à poisson installée sur la banquise. Il pensa alors qu’il lui suffirait d’avancer de 200 mètres vers l’Est pour retrouver la terre ferme. Donc il marcha dans cette direction en comptant soigneusement ses pas ; mais, aveuglé par la neige, il inclina à droite, et, sans s’en apercevoir, s’écarta ainsi de la côte. Pendant des heures, il lutta contre la tempête et finalement arriva à une île située à 8 ou 10 kilomètres au sud du cap Evans. Là, pour s’abriter du vent, il creusa un trou dans la neige et y demeura quelque temps. Sur ces entrefaites, la lune se lève et une éclaircie lui permit enfin de reconnaître sa position ; peu de temps après, il apercevait le projecteur allumé à son intention et pouvait regagner la côte, où il était recueilli par une des escouades parties à sa recherche.

Mercredi, 5 juillet. — Ce soir, la main d’Atkinson est en fort mauvais état ; ses doigts couverts d’énormes ampoules ressemblent à des saucisses. Tout l’après-midi, magnifique clair de lune. Le coup d’œil est féerique lorsque l’Érébus émerge des vapeurs légères qui l’enveloppent pour apparaître dans un ruissellement d’argent.

LE MONT ÉRÉBUS, VUE PRISE PAR-DESSUS UN ICEBERG ÉRODÉ.

Lundi, 10 juillet. — Depuis vendredi midi souille l’ouragan le plus violent que nous ayons encore subi. Samedi, sa vitesse a atteint 96 kilomètres à l’heure, et même 112 dans des rafales. En même temps, la température a été extraordinairement basse : dans la nuit de vendredi elle est descendue à −38°, et jamais samedi elle n’est montée au-dessus de −38°. Aujourd’hui une hausse s’est produite, actuellement le thermomètre marque −17°.