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la route ; dans ces conditions mieux vaut s’arrêter. Juste au moment de dresser les tentes, retrouvé les traces du détachement du lieutenant Evans. Si le temps s’améliore, nous n’aurons qu’à les suivre. Maintenant que nous sommes campés, le vent tombe et le temps s’éclaircit.

Samedi, 11 novembre. — Juste avant le départ, légère éclaircie. La neige tombée dans la journée ne porte pas ; de plus, la surface est formée d’une croûte molle et parsemée de vieux sastrugi très durs. Une pareille piste n’est pas sans m’inquiéter, quoique je sache combien elle peut changer rapidement.

Dimanche, 12 novembre. — À 8 kilomètres du camp, l’avant-garde a atteint le dépôt du Bluff marqué l’an dernier par un pavillon. J’y ai trouvé une note très gaie du lieutenant Evans, datée du 7 courant, 7 heures du matin. Il a par conséquent cinq grands jours d’avance sur nous.

Temps horrible, couvert, sombre, neigeux. Le moral s’en ressent. Quoi qu’il en soit, le groupe des « rosses » se remet en route ; sur ces entrefaites, l’arrière-garde arrive, nous dépasse, puis accomplit une marche de 1 kilom. 8 environ ; elle campe à peu près en même temps que nous.

Lundi, 13 novembre. — Une nouvelle étape épuisante. Piste détestable et éclairage très fatigant. Les poneys s’en sont tirés, mais en arrivant ils sont très fatigués. Notre cavalerie est pour moi la source d’une constante inquiétude : elle n’a pas la vigueur qu’elle promettait en Nouvelle-Zélande. Pour le moment, le temps et le terrain sont très mauvais ; souhaitons qu’ils s’améliorent.

3 heures de l’après-midi. — Depuis quelques heures, neige abondante, laquelle vient augmenter la couche molle superficielle. Le camp est triste et silencieux, indice que les choses vont de travers. Ce matin, alors que le soleil brillait, le thermomètre s’élevait à +10° dans notre tente ; à l’extérieur, à la même heure, il marquait −23°,3.

Mardi, 14 novembre. — Piste presque aussi mauvaise qu’hier ; l’allure est cependant un peu meilleure et les esprits moins sombres. Au milieu de l’étape, le soleil se montre : après s’être ensuite voilé, de nouveau il brille à présent. Maintenant il fait même tout à fait chaud, avec cela calme plat. Les poneys se reposent.

Depuis quatre jours aucune vue de la masse noire du Bluff, bien que nous en soyons très près ; jamais je n’aurais cru la brume aussi persistante dans cette région. Si, pour déterminer notre position, nous avions compté uniquement sur des relèvements de la côte voisine, notre situation eût été aventurée. Évidemment, une série complète de cairns constitue le plus sûr moyen de retrouver sa route au milieu de cette immense plaine de neige.

LES PONEYS EN MARCHE.

Mercredi, 15 novembre. — Avons trouvé sans peine l’One Ton Camp, situé à 240 kilomètres du cap Evans. Après conseil, nous décidons d’accorder un jour de repos et d’élever à 24 kilomètres la longueur des étapes ultérieures. Les poneys ont perdu leur vigueur plus tôt qu’Oates ne l’avait prévu ; néanmoins notre camarade estime qu’ils iront jusqu’au bout. Étant donné le pessimisme habituel de notre ami, son opinion est donc encourageante. La mienne est plus optimiste. À mon avis une grande partie des poneys sont actuellement en meilleure forme qu’au départ, et il n’y a pas lieu de s’alarmer au sujet des autres, exception faite toujours des animaux les plus faibles, qui d’ailleurs ne nous ont jamais inspiré confiance.

Une note d’Evans, datée du 9, annonce le départ de son escouade pour le 80°30′ de latitude, avec quatre caisses de biscuits. En deux jours et demi, il a couvert un peu plus de 55 kilom. 5, une excellente moyenne. Cette nuit, pour la première fois depuis longtemps, nous avons aperçu le mont Discovery et la chaîne de la Royal Society ; mais il y a plus d’une semaine que l’Érébus demeure caché.