Page:Le Tour du monde - 01.djvu/257

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et nul ne put prendre un moment de repos. Mgr Muzi avait été contraint de se lever ; D. Giovanni Mastaï était de nouveau en proie à un horrible mal de mer : au point du jour, la tempête continuait encore cependant, et si cela était possible, devenait plus menaçante. Le vent soufflait du S. O. ; le brick embarquait à chaque instant des vagues immenses ; les malheureux passagers durent regagner leur cabine. Dans cette triste position, il ne fallait pas même songer à se réconforter par le triste ordinaire qu’on servait journellement à bord de l’Eloysa : le pauvre cuisinier, qui ne craignait plus il est vrai d’être fusillé, grâce à la clémence des passagers, Girolamo Passadore était monté le matin sur le pont, et jetant un simple coup d’œil sur ce déchaînement inaccoutumé des éléments, était allé se fourrer à fond de cale. Il fallut bien se contenter de la triste pitance réservée ce jour-là aux matelots.


Les fêtes de Noël à bord de l’Eloysa. — La prise d’un faucon. Approches de la terre ; on entre dans le Rio de la Plata.

Le vent soufflait moins violemment, les flots avaient calmé leur turbulence. On ne voyait plus sur l’étendue de l’océan, que ces grandes vagues qui signalent avec majesté la fin de la tempête : Noël était arrivé : toute espérance renaissait. À minuit, Mgr Muzi célébra la messe en y mettant la solennité que permettait la pauvreté du lieu, mais la mer était encore si agitée que les assistants pouvaient à peine se tenir : le jour vint et ce fut à son tour D. Giovanni Mastaï qui célébra le saint sacrifice. Le P. Raymond Arce dit la messe après lui et l’abbé Sallusti lui succéda : ainsi se passa cette fête de Noël, devant un humble auditoire.

Caravane dans les pampas. — Dessin de J. Duveau d’après P. Schmidtmeyer.

Durant toute la journée du 26, une brise fraîche se fit sentir, qui put faire croire, à juste raison, qu’on approchait de la côte. Dans la matinée on jeta la sonde, mais sans résultats : rassuré sur le voisinage toujours dangereux de la terre, le capitaine poursuivit sa route sans crainte. On se divertit en donnant la chasse aux faucons de mer ; l’un de ces oiseaux se laissa tirer plusieurs coups de fusil sans être atteint. Au lieu de fuir après chaque détonation, il allait se poser sur un point saillant où il semblait plus facile de le tirer. On l’épargna ; à la fin il alla se percher sous la poupe et l’on s’empara de lui, comme on s’empare parfois, au Chili, des condors ; on lui jeta le laço. Ce bel oiseau ressemblait à l’épervier d’Europe, mais avec quelque chose de plus majestueux ; il portait la tête haute, son regard était impérieux, ses ailes brunes offraient une immense envergure.

À une heure plus avancée, on jeta de nouveau la sonde et l’on trouva 117 brasses avec fond de sable ; à minuit on n’amena plus que 37 brasses, et en effet le 27, vers trois heures de l’après-midi, un matelot qui était dans la hune cria : terre ! Mille vivat, mille cris de joie lui ré-