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partir de mars la pêche de printemps commence, et avec elle renaissent la vie et l’excitation.

Les huttes, ces pauvres et misérables tanières couvertes de neige, deviennent alors des théâtres d’activité. Des masses de provisions accumulées sont empilées sur le sol glacé ; les femmes préparent les peaux pour les chaussures, et les hommes taillent une réserve de harpons pour l’hiver. Les défenses des walrus sont tirées des monceaux de neige, où on les a placées pour en conserver l’ivoire ; les chiens sont attachés à la glace, et les enfants, armés chacun d’une côte recourbée de quelque gros amphibie, jouent à la balle et tirent au but.

Le jour de mon arrivée, quatre phoques furent tués à Étah, et sans doute un plus grand nombre à Kalutak et à Péteravik. La quantité de chair que l’on recueille ainsi pendant une saison d’abondance doit être, je le suppose, conservée pour les besoins de l’hiver ; mais il y a bien des causes, outre l’imprévoyance, qui diminuent ces ressources. Ces pauvres Esquimaux ne sont pas paresseux : ils chassent avec courage, sans perdre un seul jour. Quand les tempêtes empêchent l’usage des traîneaux, ils s’efforcent encore de serrer les cadavres des animaux tués dans les chasses précédentes. Une excavation est faite dans le sol, et, s’il est possible, dans une île inaccessible aux renards, et les vivres réunis sont rangés au fond et couverts de lourdes pierres. Une de ces cachettes, que j’ai trouvée dans une petite île à peu de distance d’Étah, contenait la chair de dix phoques, et j’en connais plusieurs autres également grandes.

La consommation excessive est l’explication vraie de la disette parmi les Esquimaux. D’après leurs anciennes lois tous partagent ensemble ; et, comme ils émigrent en masses selon que leurs besoins les y forcent, l’impôt de chaque établissement est excessif. La quantité de vivres que les membres d’une famille consomment, et qui semble exorbitante à un étranger, est plutôt une nécessité de leur existence particulière et de leur organisation que le résultat d’une gloutonnerie inconsidérée. Un exercice incessant et leur constante exposition au froid occasionnent en eux une perte de carbone qui doit être énorme.

Kane et ses compagnons dans l’intérieur de leur navire. — Dessin de Stahl d’après Kane.


Voyage de Morton. — Baie de Peabody. — À travers les montagnes et les précipices. — Les chiens effrayés. — L’eau libre. — La banquise. — Les marées polaires. — Le canal. — Oiseaux, plantes et ours. — Le drapeau des deux pôles.

Pendant l’été de 1854, j’envoyai plusieurs détachements rayonner autour de la baie où notre navire était captif. La reconnaissance que Morton poussa droit au nord fut, sous tous les rapports, la plus remarquable de ces excursions.

Il quitta le vaisseau le 4 juin, accompagné de Hans le Groenlandais.

La glace était d’abord d’un difficile accès et souvent la neige sèche leur couvrait les genoux, mais après avoir traversé quelques inégalités, ils la trouvèrent assez solidifiée pour porter le traîneau ; les chiens firent alors