Page:Le Tour du monde - 01.djvu/336

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sans nous en apercevoir. — Deux Cosaques, surpris par un chasse-neige, se sont perdus : leurs cadavres et ceux de leurs chevaux n’ont été retrouvés que le matin à peu de distance de la station. — L’anecdote est assurément peu divertissante ; mais si on prenait au sérieux tout ce qui se raconte sur les routes, on ferait à chaque pas des étapes à mourir d’ennui, et le mieux serait de rester chez soi.

Nous allons donc en avant : nous ne rencontrons point de chasse-neige et nous ne nous arrêtons qu’à la station de Tchalaky ; là, force est bien de nous arrêter : il est nuit.

Sommet du mont Sourham. — Dessin de Moynet.

Un officier russe, porteur de dépêches, vient d’arriver. Il était parti de Tiflis avec ordre de se rendre à Coutaïs dans le plus bref délai. Aucun bagage ne retardait sa marche, et de plus il avait en main un fouet vigoureux dont il se servait avec beaucoup de dextérité, et qui faisait comprendre de suite au plus impassible ce que le Maitre désirait. Nous lui demandâmes ce qu’il y avait de vrai dans tout ce qu’on disait sur le danger de franchir le Sourham par ce temps de vent et de neige. « Passe qui veut », nous répondit-il. Nous prenons le thé ensemble, et comme il part de suite, nous lui faisons observer qu’il est en costume bien léger pour voyager la nuit en traîneau. En effet, au moment où il avait reçu l’ordre dont il était porteur, il était en tenue ordinaire, et à peine avait-il eu le loisir de jeter une simple capote par-dessus son uniforme : c’était à faire frissonner. Nous le prions de se couvrir d’une des fourrures dont nous sommes amplement pourvus, et qu’il nous rendra à Coutaïs. Il accepte de grand cœur, et pour ne pas être en reste de politesse avec nous, il nous prévient qu’il va donner des ordres sur la route pour que nous soyons bien traités dans toutes les stations. Un bienfait n’est jamais perdu.