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autorités locales ; qui eurent l’obligeance de nous faire fournir tout ce dont nous avions besoin.

« Là nous congédiâmes nos deux Esquimaux conducteurs de chiens, et le 1er septembre nous reprîmes la mer pour revenir en Angleterre.

« Ce rapport serait incomplet si je ne parlais pas des obligations que j’ai contractées envers tous mes compagnons de voyage, officiers et marins, pour le zèle qu’ils ont déployé et l’aide efficace qu’ils m’ont constamment donnée.

« Un sentiment d’entier dévouement à la cause que lady Franklin a si noblement défendue, et une ferme détermination de faire tout ce qu’il est possible à l’homme, sont les deux mobiles qui nous ont guidés et qui nous ont fait surmonter toutes les difficultés. Avec moins d’enthousiasme et d’obéissance dévouée au commandement, un si petit nombre d’hommes, — vingt-trois en tout, — n’aurait jamais suffi pour conduire à bonne fin une tâche aussi grande et aussi difficile. »


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QUELQUES JOURS AU MAROC.
NOTES DE VOYAGES, PAR M. F. SCHICKLER.
(Suite et fin.)


Dans une petite cour basse, étroite et garnie, au premier et unique étage, d’une galerie en bois, se tiennent la femme de Hamet et ses deux filles, Aïstra et Fatima. La femme est petite, grosse, ornée d’un turban rouge se terminant en pointe élevée et d’une robe bleue ; Aïstra est tout à fait charmante, drapée avec un goût remarquable dans de transparentes mousselines blanches, et les bras nus et bien formés ornés de pesants bracelets d’argent ; Fatima, moins jolie que son aînée et coiffée d’un bonnet pointu rouge, me donne avec répugnance la poignée de main que son père commande de m’offrir, puis se réfugie dans la galerie et s’y livre à la vive hilarité que ma visite lui inspire.

De la cour on pénètre dans trois pièces plus longues que larges, dont chacune occupe un côté de la maison ; c’est l’ordre généralement observé dans les habitations mauresques, où le quatrième côté, réservé à l’entrée, est pourvu de doubles portes et de guetteurs grillagés ; les chambres sont garnies de tapis turcs et d’étagères du Maroc ; certes ce n’est pas la une bien riche résidence, mais avec l’impossibilité où l’on se trouve de pénétrer dans ces demeures mauresques, je dois m’estimer heureux d’avoir jeté ce coup d’œil à la dérobée. Hamet, en en ressortant, me dit qu’il a eu plaisir à me montrer sa famille, mais me recommande le secret ; il craint, dit-il, ses coreligionnaires d’une part, et de l’autre les demandes indiscrètes d’autres étrangers ; mais j’imagine que je ne suis pas le premier Européen qu’il ait honoré de cette faveur.

Désirant connaître un peu les environs de la ville, j’envoie Hamet chercher des chevaux ; il m’amène bientôt un poney gris, et nous nous mettons en quête d’un coursier pour lui-même ; c’est alors que j’apprécie à sa juste valeur le pavé de Tanger, avec ses rocs, ses profondeurs, ses marches plus roides qu’un sentier montagneux. Enfin, Hamet découvre un cheval, porteur d’une haute selle à marchandises, sur laquelle se perche mon guide, les deux jambes pendantes du même côté, le caban bleu négligemment jeté sur les épaules, les replis de son turban menaçant de se dérouler au vent et ramenés sur la tête dans une pittoresque irrégularité, le fusil croisé devant lui. Près de la ville s’étendent d’abord de vastes plaines, parsemées de bouquets d’aloès, à gauche un fond de montagnes, à droite au loin l’océan. C’est une charmante promenade qui sert aux divertissements équestres des familles consulaires. Nous nous enfonçons ensuite dans un sentier bordé et dominé par les haies de gigantesques aloès et dégénérant bientôt en véritable ravin. Comment décrire cette promenade où le sentier, souvent interrompu, court sur des pierres, sur des rochers, descend les pentes rocailleuses, passe les ruisseaux à gué ? Les chevaux glissent, mais Hamet n’en répète pas moins que les coursiers berbères aiment précisément les routes de ce genre et s’ennuieraient si le chemin était aisé. La nature compense cependant, par sa nouveauté, les peines de la route. Ces lignes de collines et de montagnes arides, ces vastes ravins au fond desquels coulent de petits torrents, ces touffes d’aloès d’où jaillit parfois la belle fleur funeste à la plante qui l’a produite, ces immenses haies de roseaux de dix à douze pieds de hauteur, ces horizons aux tons violacés, ces premières plaines du désert, tout cela c’est l’Afrique dans sa sauvage immensité, et Hamet, se retournant souvent vers moi, s’écrie avec orgueil : « Comme c’est beau la Barbarie ! N’est-ce pas que c’est un des plus beaux pays du monde ? N’est-ce pas que c’est mieux que l’Espagne ? »

Dans notre longue promenade, nous passons près de Maures lavant leur linge dans un ruisseau à demi ensablé ; non loin d’eux une femme garde les effets qui sèchent vite au soleil d’Orient, mais à notre approche, elle se voile précipitamment ; des troupeaux de bœufs paissent en liberté essayant de brouter quelques restes d’une récolte depuis longtemps terminée, car le terrain encore assez fertile aux approches de Tanger, n’est cependant cultivé qu’une fois par an. Sur une petite colline, quinze bâtons dans un tas de pierres, portant chacun un lambeau de toile blanche, annoncent l’entrée d’un village. Au détour d’un monticule de sable, nous l’apercevons ; il se compose de cabanes très-basses, couvertes de chaume ; il y en a quinze, nombre correspondant à celui des bâ-