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entre autres le noble animal qui depuis trois ans avait partagé toutes mes fatigues. »

L’énergie du voyageur triompha encore une fois de toutes ces difficultés. Le 24 novembre il partait pour Kouka, où le cheik Omar avait ressaisi le pouvoir ; de nouveaux embarras l’y attendaient, et ce ne fut qu’après quatre mois de séjour dans cette ville que Barth reprit la route du Fezzan, mais cette fois par Bilma, voie plus directe, autrefois suivie par Denham et Clapperton.

Vue générale de Tembouctou. — Dessin de Lancelot d’après Barth (cinquième volume).

Arrivé à Tripoli, à la fin d’août, Barth s’y arrêta quatre jours, s’embarqua pour Malte, et de là pour Marseille, traversa Paris, et entra dans Londres le 6 septembre 1855. Rappelons qu’il avait exploré le Bornou, l’Adamaoua, le Baghirmi, où nul Européen n’était jamais entré. Non seulement il avait visité sur une largeur de mille kilomètres, la région qui s’étend de Katchéna à Tembouctou, et qui, même pour les Arabes est la partie la moins connue du Soudan, mais il avait noué des relations avec les princes les plus puissants des bords du Niger, depuis Sokoto jusqu’à la ville interdite aux chrétiens. Il avait donné cinq ans de sa jeunesse à cette entreprise surhumaine, enduré des privations et des fatigues inouïes, bravé les climats les plus meurtriers, le fanatisme le plus implacable, triomphé du manque absolu d’argent en face d’une cupidité sans frein. Il avait altéré une santé miraculeuse, et payé cinq mille francs à l’Angleterre le périlleux honneur de lui rapporter des lettres de franchise pour ses marchands. Des cinq hommes intrépides qui ont pris part à cette expédition, il revenait seul, chargé de matériaux précieux dans tous les genres : cartes détaillées, dessins, chronologies, vocabulaires, histoire des pays et des races, itinéraires et tables météorologiques ; depuis le sol jusqu’aux nuages, ses études avaient tout embrassé. Quel est, dira-t-on, la récompense de tant d’intrépidité, d’abnégation et de savoir ? Barth nous répond par ces lignes si simples : « Je laisse beaucoup à faire à mes successeurs, même dans la voie que j’ai suivie ; mais j’ai la satisfaction de sentir que j’ai ouvert aux esprits éclairés de nouveaux horizons sur la terre africaine, et préparé l’établissement de rapports réguliers entre l’Europe et ces contrées fertiles, qui lui étaient peu ou point connues. »

Traduit par Mme H. Loreau.