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l’intérieur sont suspendus verticalement dix-huit à vingt tambourins, dont le diamètre varie de six à vingt-cinq centimètres. Pour accorder l’instrument, on modifie le son de chaque tambour, quand cela est nécessaire, en étendant avec le pouce un peu d’argile mouillée au centre de la peau d’âne. Le musicien, accroupi à l’intérieur, joue de cet instrument avec les doigts ou la paume de la main, et parvient et en tirer certains effets musicaux. Un autre instrument ressemble beaucoup au patthsaing, mais, au lieu de tambours, il contient des tamtams, et les musiciens se servent de baguettes pour toucher ce clavier, qui donne des sons d’une douceur et d’une mélodie charmantes. Le reste de l’orchestre se compose de deux ou trois clairons à large pavillon, d’une misérable trompette d’un son, de cymbales, et quelquefois d’un immense tam tam ; invariablement il y a des castagnettes de bambou qui battent fort bien la mesure, mais qui aussi se font par trop entendre.

Les Birmans ont en outre instruments pour la musique spéciale de salon ou de concerts ; les principaux sont la harpe et l’harmonica aux touches de bambou et quelquefois d’acier.

Nous avons vu à Amarapoura un de ces derniers instruments ; c’était l’œuvre des augustes mains du roi Tharawady, qui, comme Louis XVI, était plus adroit mécanicien qu’habile monarque.

Enfin une longue guitare cylindrique à trois cordes, ayant la forme d’un caïman, dont elle porte d’ailleurs le nom, clôt la liste de l’instrumentation birmane.

Revenons au drame. Le sol, couvert de nattes, sert généralement de scène. Les personnages distingués se placent sur des estrades, la plèbe s’accroupit, se plaçant de son mieux dans tous les espaces libres. Au milieu de la scène il y a toujours un arbre, ou simplement une grosse branche d’arbre ; comme l’autel dans les tragédies grecques, c’est le centre de l’action, c’est le seul décor ; on a toujours répondu à mes questions à ce sujet que c’était en prévision du cas où l’on aurait une forêt ou un jardin à représenter ; mais je suis convaincu que cet arbre avait une signification symbolique qui, avec le temps, s’est perdue.

Pagode à Pagán.

L’éclairage, à l’huile minérale, consiste en quelques vases de terre qu’un des acteurs remplit de temps à autre et qui lancent leurs lueurs rougeâtres autour de l’arbre symbolique. L’orchestre, sur un des côtés de la scène, a près de lui une espèce de chevalet d’où pendent une foule de masques grotesques. Le coffre qui renferme les costumes de la troupe lui fait face ; invariablement ce coffre fait fonction de trône à l’usage des rois, toujours très-nombreux dans ces drames.

De fait, rois, princes, princesses, ministres et courtisans sont les seuls personnages qui y figurent. Quant à l’intrigue, s’il y en a une, elle est très-difficile à découvrir. Le héros est le plus souvent un jeune prince, qui a toujours pour valet un bouffon, comme celui de nos anciennes comédies ; le Crispin de Magwé remplissait parfaitement son rôle de comique, ainsi qu’en témoignaient les éclats de rire de l’audience. C’était le seul acteur digne de ce nom, et son jeu était souvent si hautement épicé, que pour le comprendre il n’était pas besoin de connaître la langue dont il se servait. L’interminable prolixité du dialogue dépassait toutes les bornes ; je ne pense pas que personne pût comprendre ni ce qu’il signifiait ni sa raison d’être ; ce qu’il y a de certain, c’est que l’action marchait si lentement qu’il eût fallu plusieurs semaines pour arriver au dénoûment.

Une partie du dialogue était chantée ; dans ces moments, les attitudes les gestes et certaines lamentations prolongées avaient un caractère très-comique, mais dont on se lassait bientôt. Des danseurs et des danseuses viennent souvent jouer des intermèdes ou même prendre part à l’action. Les rôles de femmes, dans les villes éloignées de la capitale, étaient joués par de jeunes garçons.

Les marionnettes sont encore plus populaires que les drames : les représentations de ces acteurs de bois ont lieu sur des théâtres assez élevés, ayant souvent neuf mètres de développement, ce qui permet de transporter la scène selon les exigences du sujet ; le plus communément, on voit un trône à un bout, c’est la cour ; à l’autre extrémité des branches d’arbre représentent une forêt. Les pièces que jouent ces marionnettes sont, comme celles des acteurs vivants, très-prolixes, et elles m’ont paru avoir une tendance au surnaturel, car on y voit des princesses