Page:Le Tour du monde - 02.djvu/317

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difficiles à franchir, en raison des caprices de Maua-Miaha, son chef. Quand ce tyranneau est à jeun, c’est un bourru intraitable ; quand la boisson l’a déridé, il ne veut plus s’occuper d’affaires. L’une de ses manies est de faire travailler, à ses champs, les caravanes qui passent à l’époque des semailles ; il nous fit grâce de cette corvée ; mais il fallut cependant subir le délai de rigueur : l’étiquette s’opposait à ce que nous pussions voir le despote le jour de notre arrivée ; le lendemain matin sa femme était souffrante ; plus tard Sa Hautesse faisait ses libations. Le troisième jour le sultan accorda une audience à nos délégués, les reçut de très-mauvaise grâce, et me taxa, pour ma part, à six charges de marchandises. La quatrième journée fut employée par les Arabes à discuter le prix de leur passage avec les courtisans ; le tribut apporté, distribué, selon la coutume, en lots séparés, ayant chacun leur destinataire, Sa Hautesse indignée du peu de valeur d’un morceau d’indienne qu’on osait lui offrir, saisit une grande cuiller de bois, et chassa les marchands de son auguste présence. Le cinquième jour s’écoula dans une noble oisiveté ; on vint nous dire que Leurs Seigneuries étaient en face de leurs pots de bière, et nous comprîmes que toute la cour était ivre, depuis le sultan jusqu’aux ministres. Le lendemain on essaya du même procédé, mais comme je déclarai que nous partirions le jour suivant, quelle que fût la décision de Sa Hautesse, nos présents furent acceptés, et deux ou trois coups de mousquet nous apprirent que nous étions libres de continuer notre route. Je fus heureux de quitter cet endroit maudit : pendant le jour nous souffrions d’une chaleur suffocante, nous étions harcelés par la tsétsé, par des abeilles et des taons d’une persistance incroyable, et assaillis par des légions de fourmis noires que l’eau bouillante parvenait seule à écarter. Les nuits étaient froides ; chaque matin nous trouvions quelque objet de prix endommagé par les termites, et ma pauvre monture, la seule qui eût survécu aux fatigues de la route, fut tellement lacérée par une hyène que je fus obligé de m’en défaire. Enfin quinze des porteurs que nous avions loués et payés, à Ougogi, désertèrent en nous laissant, il est vrai, la charge qui leur était confiée.

Chaîne côtière de l’Afrique occidentale. — Dessin de Eug. Lavieille d’après Burton.

« La marche suivante fut longue, et ce fut à grand’peine que nous atteignîmes le kraal où nous dressâmes nos tentes ; nous étions sur la frontière du Mdabourou, le premier district important de l’Ounyanzi. Le Mdabourou est une dépression fertile d’un rouge de brique, traversée par une rivière profonde, coulant au sud, et où l’on trouve cinq réservoirs, qui fournissent une eau copieuse, même en été. Au-dessus des jungles qui entourent ce district, apparaissent des cônes de médiocre hauteur, et plus loin à l’horizon, la crête ondulée d’une rampe que la distance vaporise et fait ressembler à une mer d’azur.

« De Mdabourou trois lignes principales traversent le désert qui sépare l’Ougogo de l’Ounyamouézi, et qui a reçu des indigènes le nom de plaine embrasée. On n’y trouve pas d’eau, si ce n’est après les pluies ; mais la torche et la cognée diminuent rapidement les souffrances qu’il impose. Il fallait, il y a quinze ans, douze marches ordinaires et plusieurs marches forcées pour le franchir ; actuellement on le traverse en une semaine. La première