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traverse la ville presque en entier ; c’est sur cette rue que donnent le palais sénatorial, la quadreria ou musée de tableaux, qui renferme des toiles du Dominiquin, de Luca Giordano, de Carlo Maratta, etc., les cafés les plus élégants, c’est-à-dire les plus propres et les moins sombres, et les principales boutiques, celles entre autres où se vendent de petits ouvrages de nacre, d’ambre et de corail, produits de l’industrie locale. La population, fort laborieuse, se livre à la pêche du thon, à la fabrication du sel et au commerce de la soude et du vin.

Trapani possède, comme Palerme, un couvent de capucins où les cadavres sont conservés a l’air libre. Il est situé hors des murailles ; j’y étais entré, trouvant toutes les portes ouvertes. Un frère, après m’avoir montré l’église, les ornements des moines et les reliques, me conduisit dans une salle ou je distinguai, aux derniers rayons du soleil, toute une population immobile et muette d’hommes et de femmes diversement vêtus, dont les mains crispées, les visages desséchés, grimaçants, à demi rongés par les vers, portent l’empreinte horrible de la mort, et inspirent, non pas le respect, mais le dégoût. Au-dessus de chaque personnage, une inscription en papier indique le nom qu’il a porté pendant sa vie. Le frère m’expliqua comment on conservait ces restes humains ; il m’apprit que chaque année, le jour des morts, les parents, les amis étaient admis à les voir, à assister à la messe et à entendre le sermon dans la chambre sépulcrale.

Vue de Syracuse (voy. p. 13). — Dessin de Rouargue.

Aucun voyageur ne peut passer à Trapani sans visiter le mont Éryx, qui s’élève à peu de distance de la ville. Je gravis donc sur une mule les sentiers sinueux de la montagne. Un temple consacré à Vénus occupait autrefois le sommet ; il était entretenu et gardé aux frais de dix-sept villes siciliennes, et mille prêtresses y servaient la déesse. Un grand puits, appelé Pozzo di Venere, deux grottes, une muraille de construction cyclopéenne, sont les seuls restes antiques que le mont Éryx ait conservés. La petite ville moderne qui y est bâtie s’appelle San Giuliano. Elle se compose de quelques rues étroites, en pente rapide, bordées de pauvres maisons, où l’on ne rencontre guère que des prêtres, des moines et quelques femmes cachées dans leur mante, longue pièce de laine ou de soie noire qui enveloppe la tête et le corps et forme le vêtement favori des Siciliennes.


De Trapani à Girgenti. — La Lettica. — Castelvetrano. — Ruines de Sélinonte. — Sciacca.

On se rend à Agrigente par le chemin des côtes ou par Castelvetrano, ce qui est moins long d’une journée. Deux Siciliens, logés comme moi à la locanda dell’ Italia, m’ont engagé à prendre la route de Castelvetrano, en m’offrant jusqu’à cette ville le bénéfice de leur compagnie.

Notre petite troupe se met en campagne, ayant