Page:Le Tour du monde - 04.djvu/105

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lèvres, persistent souvent au delà de la cinquième génération, ceux de l’Indien, très-affaiblis dès la première, disparaissent presque entièrement à la troisième. Aussi, toutes les fois que des circonstances analogues à celles dont je viens de parler se sont présentées, le même fait remarquable d’assimilation s’est-il produit. Et ce résultat si intéressant pour l’ethnologie, on peut le constater géographiquement : en effet, à mesure que l’on s’éloigne du littoral, l’élément européen diminue, et l’élément indien augmente, pour finir par dominer. C’est ainsi que minorité sur les côtes du Pérou et du Chili, il devient majorité à Cochabamba, à la Paz et à Chuquisaca ; mais nulle part, je crois, cette prédominance n’est plus saillante et mieux caractérisée que dans les plaines du Paraguay, où la race des vaincus a pour ainsi dire absorbé celle des vainqueurs, auxquels elle a imposé son langage et ses habitudes. C’est d’ailleurs, comme on l’a fait judicieusement observer, c’est le propre des colonies d’origine latine d’offrir de nombreux mélanges des nations conquérantes avec les nations conquises, tandis que la race du Nord, le sang anglo-saxon s’est conservé pur dans le nouveau monde comme dans l’Inde, sans se croiser jamais avec celui qu’il était appelé à dominer. Cette remarque n’a pas besoin de commentaires ; et toutes les explications que pourrait fournir de cette opposition l’étude des influences climatériques ou l’examen des institutions civiles et politiques, disparaissent devant une cause qu’il faudrait appeler la loi du sang, car, partout supérieure aux lois sociales et à l’action des agents extérieurs, elle suffit à déterminer le caractère primordial des races.

Indiens du Grand-Chaco à la vue d’un bateau à vapeur. — Dessin de Villevieille d’après le commandant Page.

En considérant sous ce double rapport l’ensemble du nouveau continent, on pourrait dire que la race conquérante domine dans le Nord-Amérique ; que la race importée s’élève au Brésil à une supériorité numérique incontestable, tandis qu’au Paraguay la race autochthone a imprimé tous ses caractères au peuple issu de son alliance avec les Européens.

Considérée dans son ensemble, la nation paraguayenne, isolée par la politique des peuples de même origine qui l’avoisinent, est remarquable tout à la fois par ses caractères physiologiques et ses qualités morales. On peut y suivre les modifications imprimées à la race latine par la race autochthone, et constater les heureux résultats du mélange des deux sangs, résultats déjà signalés par M. d’Orbigny sur d’autres points de l’Amérique méridionale.

Ainsi, en prenant pour modèle le type général, et sans s’arrêter aux exceptions, on peut dire que les hommes sont généralement grands et bien conformés. Leur taille, souvent supérieure à celle des Européens, est élancée et bien prise. La cause de cette amélioration nous échappe ;