Page:Le Tour du monde - 04.djvu/128

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interrompue de colonies militaires, placées de distance en distance, oppose une digue infranchissable aux populations, alors non soumises, qui habitent le centre de la chaîne caucasienne. Là, tous les hommes sont soldats. C’est une savante organisation que celle de ces Cosaques de la ligne, cavaliers consommés, soldats intrépides, toujours prêts pour l’action. Ce sont eux également qui cultivent les champs qui les nourrissent. Magnifiquement vêtus, splendidement armés, montés sur des chevaux d’une rare beauté, ils excellent dans tous les exercices propres à cette guerre de surprises qui caractérise leur institution. Le colonel commandant la stanitza où nous changions de chevaux voulut avec une rare bienveillance me donner le spectacle d’un de leurs divertissements guerriers, la djiguitovka. Une quarantaine d’hommes montèrent à cheval quelques minutes après l’ordre subit qui fut donné, et tout ce que j’avais admiré dans nos cirques, sur des chevaux dressés ad hoc, dans un manége parfaitement uni, fut exécuté par ces modernes centaures sur une route raboteuse et avec des chevaux parfaitement en liberté ; debout sur leurs montures, ils chargeaient et déchargeaient leurs armes, manœuvraient leur chachka, puis, s’accrochant par le jarret, ramassaient à terre leur papakha ou leur pistolet, et se remettant en selle avec rapidité, ils fournissaient le reste de la course dans un tourbillon de poussière (voy. p. 113).

Sion et Orsete. — Dessin de Blanchard.

Pendant près d’une heure, je pus jouir de ce spectacle émouvant ; mais de nouveaux chevaux étaient mis à notre tarantasse, le moment de continuer notre route était venu. Après avoir serré la main de l’aimable chef de cette stanitza, qui m’avait procuré une si aimable surprise, nous fûmes entraînés de nouveau dans la steppe verdoyante ; la djiguitovka nous accompagnait encore : montés debout sur leurs chevaux sellés, une dizaine de Cosaques, qui devaient nous servir d’escorte, nous accompagnèrent pendant plus de douze verstes en exécutant les tours de voltige les plus hardis, et ce ne fut que sur nos instances réitérées qu’ils consentirent à se mettre en selle.

Le lendemain soir, j’arrivai à Stavropol, en passant par Ekaterinograd et Georgiewsk, et là, je disais un dernier adieu à cette terre du Caucase, où j’avais été accueilli par l’hospitalité la plus bienveillante.

Blanchard.