Page:Le Tour du monde - 04.djvu/168

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barbue qui les défend du froid. Le sol est un sable fin, sans consistance, de couleur gris pâle, nourrissant avec peine quelques touffes éparses de gramen jaune à longs tuyaux desséchés. Une espèce de chalet construit en planches, et trois huttes misérables en retour d’équerre sont les seules habitations qui y restent. Le bâtiment qui abritait les fourneaux à soufre a été détruit par un incendie.

Mais notre monde, arrivé bien avant nous, donnait à la scène une animation qui faisait contraste avec le silence sombre de la forêt. Des feux allumés devant et à l’intérieur des huttes, le hennissement des chevaux inquiets de leur provende, quelques coups de fusil pour éloigner les loups, égayaient l’affreuse solitude. À quelques pas de là, séparé à peine par une mince lisière de pins grêles, le pied calciné du volcan surmonté de son dôme de neige, muet comme un sphinx, nous montrait la tâche du lendemain.

Mettant le temps à profit, plusieurs instruments furent immédiatement déballés, afin de les répartir entre les Indiens qui devaient partir de bonne heure le jour suivant. Notre majordome Arnold, qui se piquait d’être bon cuisinier, se chargea de préparer les aliments et les provisions nécessaires à un séjour de vingt-quatre heures sur le sommet ; des couvertures et des peaux de mouton furent également mises de côté, car nous avions le projet de passer la nuit dans le cratère. Pendant que nous songions à nous coucher le plus tôt possible, afin de nous fortifier contre les fatigues du lendemain, les Indiens chantaient et dansaient autour de leurs feux avec l’insouciance la plus parfaite. Il était déjà tard, et nous étions encore bercés dans un demi-sommeil, que leurs éclats de rire nous réveillaient en sursaut.

Vue du mont Iztaccihuatl (la Femme blanche). — Dessin de Sabatier d’après M. Laveirière.


Ascension du pic.

Il faisait petit jour, le 21 janvier, quand tout le monde fut sur pied. Les Indiens étaient déjà en route sous la conduite des frères Teyes. Chacun de nous, agité d’émotions diverses, se hâta de se munir de bâtons ferrés, patins, lunettes, voiles, etc., et de monter à cheval. Le froid était pénétrant ; il se glissait à travers les tissus qui nous recouvraient et venait nous glacer jusqu’à la moelle des os. Tout le monde était silencieux ; c’est à peine si l’on échangeait quelques monosyllabes. Nos regards se fixaient avec appréhension sur le colosse dont la cime recevait alors les rayons roses du soleil levant.

Au bout d’un quart d’heure, la lisière du bois fut franchie, et nos bêtes piétinèrent dans le sable profond et mouvant qui suit immédiatement après. Notre direction, toujours ascendante, allait d’abord droit contre le volcan, mais dévia sur la gauche pour remonter