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On distinguait à peine la vallée de Puebla, encore enveloppée de ténèbres profondes. Tout à coup la pointe extrême du pic d’Orizaba s’incendia ; on aurait dit un rubis éclatant enchâssé sur un dôme de l’argent le plus pur. Quelques minutes après, un disque colossal, couleur de pourpre, se levait et projetait ses premiers rayons sur le sommet du Popocatepetl.

L’horizon de ce côté semblait se baigner dans une mer diaphane et teinte des plus riches nuances. De seconde en seconde, les rayons lumineux se redressaient ; leurs extrémités descendaient du haut du volcan et chassaient les ombres de la vallée qui s’évanouirent bientôt. La terre, les arbres, les ravins et la plaine semblaient surgir comme par enchantement et se réveiller d’un long sommeil. Inondé de lumière, le paysage paraissait respirer et vivre. C’était un spectacle sublime, auquel il faut assister, qu’il faut sentir, car la parole humaine est impuissante à le peindre.

Mes compagnons vinrent me rejoindre lorsqu’il faisait déjà grand jour. Tous étaient accablés, car leur sommeil avait été trop agité pour être rafraîchissant. J’ordonnai de rassembler tout notre équipage que les Indiens emportèrent. Pendant ce temps-là, je prenais quelques croquis, dont M. François Sumichrast a fait de fidèles dessins. Enfin, vers dix heures, nous sortîmes du cratère, après y être restés environ vingt heures. Nos chevaux nous attendaient vers la Cruz, et nous ramenèrent au rancho de Tlamacas à une heure de l’après-midi.

Les jours suivants furent employés à parcourir quelques points intéressants dans les montagnes et dans la vallée d’Amecameca. Pendant ce temps-là, M. Sountag, qui s’était heureusement rétabli et dont les travaux différaient beaucoup des miens, s’occupait de ses opérations trigonométriques sur l’Ixtaccihuatl, et tentait une seconde ascension au Popocatepetl, qui lui réussit mieux que la première. Il eut le bonheur, cette fois, de descendre dans le cratère, et en rapporta des observations, dont j’ai déjà indiqué les principaux résultats.

Quand nous eûmes recueilli tout ce que les circonstances nous permettaient de voir et d’étudier, nous quittâmes Amecameca, dont l’aimable hospitalité vivra toujours dans nos souvenirs, et nous prîmes congé de MM. Pablo Perez, Sayago, etc., qui, par leur appui et leurs conseils éclairés, avaient grandement facilité notre tâche. Le 11 février nous rentrions à Mexico après vingt-cinq jours d’absence.

En résumé, les observations barométriques de l’expédition donnent, pour élévation absolue :

À la ville de Mexico 2777m » c
Au rancho des Tlamecas 3899 30
Au Popocatapetl (pico Major) 5422 »
À l’Iztaccihuatl (pic du Sud) 5081 16

Ces résultats diffèrent très-peu de ceux obtenus trigonométriquement par M. de Humboldt.

Jules Laveirière.




Ojo ou source de Lucero, près de la lagune de los Patos (voy. la carte du Chihuahua, p 131). — Dessin de Bérard d’après Julius Froebel, dans l’Illustrirte Zeitung[1].
  1. Cette gravure, arrivée tardivement, n’a pu trouver place dans la relation du Chihuahua (pages 129 et 145). Elle est empruntée à l’auteur de Sept ans dans l’Amérique centrale, M Jules Froebel. Placé ici près des grands pics de la Cordillère, ce paysage peut donner une idée de la variété des scènes de la nature mexicaine.