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Vue de Méched. — Dessin de A. de Bar d’après une photographie de l’album de M. de Khanikof.


MÉCHED, LA VILLE SAINTE, ET SON TERRITOIRE.

EXTRAITS D’UN VOYAGE DANS LE KHORASSAN,
PAR M. N. DE KHANIKOF[1].
1858. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.


Nichapour et ses ruines. — Rapports sinon identité entre les Khirguisses et les Beloudjs. — Un gouverneur en herbe. — Visite à un saint.

Les poëtes persans ne tarissent point sur les louanges de la beauté du climat et des sites de Nichapour. Selon eux, rien ne peut égaler la fraîcheur de ses matinées, le parfum de ses roses, et l’abondance de ses eaux limpides. Mais je dois avouer qu’il m’a été impossible de conserver cette illusion poétique dans la chaude journée du 30 juin 1858, où je quittais les jardins ombragés du village de Khanlouk, pour descendre dans la plaine argileuse et monotone qui conduit à Nichapour. Deux rangées de montagnes arides et rocheuses la bornent à l’ouest et à l’est ; sur les pentes de la chaîne orientale, on apercevait çà et là des strates d’une blancheur éclatante, qu’on serait tenté de prendre, par un temps plus froid, pour de la neige, et qui provenaient des couches de sel gemme, très-fréquent dans cette partie du Khorassan. Malgré l’heure peu avancée de la journée et l’éblouissant éclat du ciel au-dessus de nos têtes, l’air des basses régions était déjà obscurci par le brouillard sec. Ce phénomène, presque journalier dans les plaines sablonneuses de l’Asie méridionale, contribue beaucoup à attrister le paysage de ces immenses solitudes. L’obscurcissement de l’atmosphère est produit par une quantité innombrable de parcelles terreuses enlevées du sol par les vents et les courants ascendants, et ce brouillard paraît s’épaissir au

  1. Dans son assemblée générale du 23 mars 1861, la Société de Géographie de Paris, sur le rapport de M. Vivien Saint-Martin, a décerne un prix à M. Nicolas de Khanikof comme chef de la commission scientifique qui a exploré le Khorassan en 1858 et 1859. La relation complète du voyage et des travaux qui ont mérite cette honorable distinction ne sera probablement pas achevée et livrée à l’impression avant plusieurs années. C’est spécialement pour le Tour du monde que M. de Khanikof a bien voulu écrire, pendant son séjour en France, le fragment sur Nichapour et sur Méched que nous publions aujourd’hui. Jusqu’ici Méched était un mystère. On ne possédait aucune description suffisante, aucune vue de cette ville sainte des Perses. Les très-vagues renseignements recueillis par quelques voyageurs étaient seulement de nature à en faire désirer de plus complets. Le récit que l’on va lire a donc tout l’attrait de la nouveauté, et nous ne pouvons témoigner trop vivement notre reconnaissance à M. de Khanikof, dont personne n’apprécie et ne respecte plus que nous le haut savoir, que relèvent encore sa modestie et sa parfaite aménité. « Le nom de M. de Khanikof, dit M. Vivien de Saint-Martin dans son rapport à la Société de géographie de Paris, est connu depuis longtemps dans la science par de grands travaux topographiques et ethnographiques sur le Turkestan et la région du Caucase. Mieux que personne il avait pu apprécier les lacunes qui restaient encore dans la géographie du nord et du centre de la Perse. » Éd. Ch.