Page:Le Tour du monde - 04.djvu/370

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du bas Amazone. Sur la rive droite, près de laquelle nous passions, on apercevait des champs de cocotiers ; ils ne s’élevaient pas très-haut et portaient de longues et grandes feuilles. Le pays est très-cultivé.

On faisait des expériences depuis Obidos, dont nous étions déjà loin : la sonde près des bords ne trouvait pas de fond. Les passagers, et moi également, nous regardions avec tout l’intérêt que prennent des gens désœuvrés à la chose la plus ordinaire. On se montrait un martin-pêcheur perché sur une branche, une barque dans le lointain ; et surtout, si l’on apercevait une pièce de bois sur l’eau, c’était toujours un caïman : car, depuis les véritables, nous ne voyions et nous ne rêvions plus que caïmans. Et il faut bien dire qu’il est facile de s’y méprendre : ces affreux animaux effectivement ne paraissent pas bouger ; ils nagent très-doucement, ne montrent le plus souvent que la partie la plus élevée de l’épine dorsale, le sommet de la tête, et le dessus des yeux.

Les plantations avaient de nouveau disparu ; nous étions en pleine forêt vierge ; et pas un seul endroit pour poser le pied ! Toujours des arbres brisés, des terrains emportés.

Nous passons devant plusieurs îles.

Il faut que je dise de suite (afin de réparer une erreur que j’ai dû faire naître et qui a pu déjà donner une étrange idée de l’Amazone, car, à tout instant, je fais passer le navire d’une rive à l’autre, ce qui prouverait ou que le grand fleuve ne mérite pas ce titre, ou que nous faisions une bien singulière navigation, qui devait nous prendre beaucoup de temps, avec des louvoiements aussi étendus), je dois donc dire que j’ai voulu parler seulement des rivages des îles près desquelles nous passions, et non de ceux de la grande terre, dont, à coup sûr, on ne verrait pas les bords à travers le fleuve, quand même des myriades d’îles ne seraient plus là pour arrêter le regard. C’est ainsi que de rivage en rivage, d’île en île, on navigue sur l’Amazone, sans jamais voir la terre ferme des deux côtés en même temps.

À neuf heures du matin, nous nous trouvâmes en face de Villabella, bâtie sur une petite colline sablonneuse. Les maisons fort basses, à rez-de-chaussée seulement, sont peintes à la chaux.

Tandis que je dessinais Villabella, je me sentis frapper doucement sur l’épaule : un Indien me montrait quelque chose d’informe qu’on jetait sur le pont. C’était une demi douzaine de très-grosses tortues couchées sur le dos. Elles avaient des trous aux pattes de