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y ont seuls un facile accès. Cette année comme toujours des mémoires importants nous sont arrivés par cette voie (et en grande partie par l’intermédiaire des recueils allemands), sur les basses plaines de l’Aral, sur la région alpine de l’Altaï, sur la Droûngarie et sur tout le bassin de l’Amour. L’acquisition de ce dernier territoire par les Russes y est devenue depuis six ans l’occasion d’une succession continue de commissions et de travaux scientifiques. En ce moment encore, des ingénieurs et des naturalistes y poursuivent leurs relèvements et leurs études ; et un de ces derniers, M. Schmidt, explore l’intérieur de la grande île Sakhalïn, qui s’étend vis-à-vis de la Tartarie, au-dessus de l’archipel japonais, sur une longueur de plus de deux cent cinquante lieues. D’importants résultats pour l’ethnographie asiatique sortent aussi de ces vastes explorations.

Sauf le relèvement hydrographique d’une partie des côtes, et la reconnaissance de la moitié inférieure du grand fleuve qui coupe de l’est à l’ouest le milieu de la Chine (le Yang-tse-kiang), l’expédition de Péking n’a pas donné jusqu’à présent de résultats scientifiques un peu notables. Un parti d’officiers anglais avait entrepris, au mois de janvier dernier, de remonter le Yang-tse-kiang jusqu’au Tibet, et de revenir dans l’Inde par ce dernier pays. Ce voyage pouvait être fécond en observations portantes ; l’état de trouble du pays en a arrêté l’exécution. Mais il est impossible que, dans un avenir plus ou moins prochain, les événements actuels n’ouvrent pas la Chine, aussi bien que le Japon, aux investigations des observateurs européens.


XIII

Amérique.

La découverte de gisements aurifères dans la Colombie britannique (vers le cinquantième parallèle nord) ayant appelé l’attention sur cette région jusqu’à présent très-négligée de la côte nord-ouest du continent américain, une expédition fut organisée en 1857 pour l’exploration des parties de l’Amérique anglaise comprises entre le Canada et l’île Vancouver. Cette expédition, dont la conduite fut confiée au capitaine Palliser, et dont les résultats sont connus par les rapports du capitaine lui-même et par une relation de M. Hind, le géologue de la commission, a singulièrement ajouté aux maigres notions que l’on avait eues jusqu’alors sur une contrée dont les vastes espaces n’avaient guère été parcourus que par les trappers de la compagnie de la baie d’Hudson[1]. Quoique par sa date (1860) cette relation sorte de nos limites actuelles, nous avons dû la rappeler ici, d’abord parce que sans aucun doute elle deviendra le point de départ d’investigations et de relations ultérieures, et puis aussi parce que, dans ces derniers temps, l’attention a été appelée sur ces plaines récemment reconnues, qui conviendraient mieux, si l’on en croyait les Anglais, que les plaines du Missouri étudiées par les ingénieurs américains pour l’établissement d’une grande ligne de chemins de fer entre l’Atlantique et l’océan.

Si nous n’avons pas à signaler d’explorations actuelles dans les contrées américaines, nous avons à y mentionner d’intéressantes publications. Sous le titre de Voyage dans les grands déserts[2], M. l’abbé Domenech a résumé les observations que sept années de sa vie de missionnaire dans le Texas et le Nouveau-Mexique l’ont mis à même de recueillir sur le pays, et plus encore sur les populations. À part certains chapitres purement spéculatifs sur des questions d’histoire et d’origines, questions difficiles et complexes dont la solution, qui échappe encore à nos données, appartient non à la foi, mais à la science ; à part, disons-nous, ces chapitres hasardeux où l’auteur ne s’est peut-être pas maintenu suffisamment dans les bornes posées par une saine et forte critique, ce livre est sans contredit un de ceux qui nous font le mieux connaître, dans les habitudes de leur vie intime, les Indiens des Prairies et les indolents rancheros du haut Mexique.

Les Scènes et paysages dans les Andes, de M. Paul de Marcoy[3], sont des récits d’un tout autre caractère. Ceux-là nous transportent dans le Pérou, au milieu des sites pittoresques de la grande Cordillère. Homme du monde et homme d’imagination, naturaliste passionné avec des goûts d’artiste, par-dessus tout homme d’esprit et de fantaisie, l’auteur a caché sous des formes alertes et sous le dramatique de la mise en scène des observations très-sérieuses au fond et très-instructives. Pour qui sait voir la pensée sous sa légère enveloppe, cette forme même du dialogue et de l’action, substituée à la description et au récit, est certainement plus propre en bien des cas que la narration froidement didactique à mettre en relief le langage, les idées et les caractères. Le livre de M. de Marcoy attachera les esprits sérieux, en même temps qu’il amusera les esprits frivoles.

Nous avons encore à citer deux publications importantes : l’une du docteur Philippi sur les Andes chiliennes[4] ; l’autre du docteur Burmeister sur les pampas de la république Argentine[5] ; mais celles-là, par leur forme austère, s’adressent exclusivement aux savants et aux hommes d’étude. L’histoire naturelle en est le fond principal. L’une et l’autre, d’ailleurs, sont écrites en allemand.

Une relation d’une tout autre nature est déjà connue de nos lecteurs (livr. 94 et 95) : c’est celle de notre compatriote M. Guinnard, qui a fait au milieu des Patagons un séjour forcé de trois années. Ce récit, qui porte, dans sa simplicité, tous les caractères de la véracité la plus complète, nous donne des renseignements aussi neufs qu’intéressant sur les tribus de l’extrémité de l’Amérique.

La corvette autrichienne la Novara, équipée à Trieste pour un voyage scientifique autour du monde, a aussi touché à plusieurs points du littoral américain. L’Autriche est très-fière de cette expédition, qui a été accom-

  1. Voir le tome I du Tour du monde, livr. 18 et 19, pages 273 et suivantes.
  2. Un volume grand in-8o, 1861.
  3. Deux volumes, 1861, L. Hachette et Cie.
  4. Reise durch die Wüste Atacama. Un volume grand in-4o, Halle, Anton.
  5. Reise durch die La Plata Staaten. Deux volumes in-8o, Halle, Schmidt.