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sonniers voulaient nous suivre, mes amis s’y opposèrent formellement en leur disant qu’ils étaient venus seulement pour réparer une injustice, et non pour soustraire aux lois ceux qui les avaient violées.

« Au bas de l’escalier, nous rencontrâmes M. Slayback, qui, arrivé trop tard par le chemin de fer, venait demander au geôlier un asile pour la nuit. À la demande de M. Brocon, et pour dégager sa responsabilité, mes amis exposèrent à M. Slayback ce qui arrivait, et l’invitèrent à attester que le geôlier n’avait fait que céder à la force.

« À la sortie de la prison, nous trouvâmes d’autres amis qui nous attendaient. Je m’évanouis de faiblesse, et deux de mes camarades furent obligés de m’emporter en me soutenant par les bras. Nous eûmes beaucoup de peine à nous diriger dans les ténèbres ; mais enfin nous atteignîmes la rivière. Là, nous eûmes un autre embarras : nous ne pouvions retrouver nos bateaux. Cependant, deux hommes de la police s’étant approchés de nous avec leurs grandes lanternes, nous aperçûmes ce que nous cherchions, et nous nous hâtâmes de nous embarquer ; puis les uns firent force de rames, pendant que les autres vidaient avec leurs chapeaux l’eau qui remplissait les embarcations.

« Nous atteiguîmes enfin la rive du Kansas. On me fit monter dans un fourgon couvert, et on tira deux coups de pistolet pour annoncer notre succès aux amis qui étaient restés à faire le guet autour de la prison. Je partis ensuite avec mes libérateurs. Ils étaient dix, les uns à pied, les autres à cheval. Nous ne nous arrêtâmes pour déjeuner qu’après avoir fait vingt milles, et notre hôte nous conduisit ensuite, avec son propre attelage, à douze milles plus loin. Tout le long de la route, une foule de gens venaient nous féliciter ; évidemment ils avaient été prévenus de cette expédition.

Paysage dans le bassin du Missouri. — Dessin de Guiaud d’après the geological Survey of Missouri.

« Le matin, quelques Missouriens nous avaient suivis de loin, mais sans nous effrayer. Mes dix compagnons suffisaient pour leur tenir tête ; d’ailleurs d’autres amis avaient été placés en embuscade sur divers points, et nous auraient prêté main-forte au besoin. Toutefois, pour en finir, quatre de mes libérateurs se détachèrent de la troupe vers trois heures de l’après-midi, et chassèrent les Missouriens, qu’on ne revit plus.

« Ce premier jour, nous voyageâmes jusqu’à minuit. Le lendemain lundi, à cinq heures de l’après midi, nous avions parcouru quatre-vingt-dix milles, et nous arrivions à Lawrence, la Cité de refuge.

« Une triple salve d’artillerie célébra notre retour, et mes dix valeureux libérateurs, accueillis par de chaleureuses acclamations, reçurent les félicitations que méritait le succès de leur aventureuse entreprise. Grâce à leur courage et à leur persévérance, j’ai été rendu au pays que j’aime tant, à ma famille, à mes amis et à la liberté. »

Extrait du récit de John Doy.