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voisinage demeurent la plupart des apôtres, MM. Taylor, O. Pratt, Cannon et Woodruff.

La multitude se presse autour du Temple, afin d’assister à l’office du soir. Je suis désappointé ; je ne pouvais m’attendre, vu la solennité du jour, à rencontrer là une foule de travailleurs façonnant le bois et la pierre, maniant la scie et le marteau, et, suivant l’expression de Virgile : « transformant les rochers en murailles superbes. » Mais au milieu de tant de gens de divers métiers se reposant des fatigues de la semaine, je pensais tout au moins trouver le Temple à demi élevé. Je fus singulièrement étonné en pensant à l’énergie de la foi nouvelle, de voir qu’en attendant mieux, un trou dans le sol représente le nom du Seigneur, tandis que le prophète, M. Brigham, préoccupé de son propre confort avant de songer à la gloire de Dieu, est logé dans ce qui, relativement, semble un palais, comme l’était jadis celui du roi Salomon. Je ne suis pas non plus satisfait en apprenant qu’on va reprendre les travaux provisoires que la guerre avait interrompus ; il en résultera plus de lenteur encore dans la construction du Temple sans lequel les malheureux trépassés se peuvent pas recevoir le baptême qui les affranchira du purgatoire.

Le block du Temple, de même contenance que tous les autres et entièrement isolé, fait face aux quatre points cardinaux ; il est entouré d’acacias plantés en 1853, et qui, surtout au midi, ajouteront beaucoup à sa beauté. L’enceinte repose sur une assise de grès rouge taillé avec art ; elle est formée d’une adobe recouverte de stuc, et s’élève à trois mètres environ ; chacune de ses faces est décorée de trente pilastres plats, sans piédestal ni chapiteau, qui montent jusqu’au chaperon indispensable à tous les murs en adobe. On posera plus tard sur cette muraille une grille en fer ornementé. Elle est percée de quatre ouvertures (une sur chaque façade) qui un jour deviendront des portes cochères et seront flanquées de portes basses pour les piétons ; aujourd’hui l’entrée du nord et celle du couchant sont murées en pierre sèche. On affirme que cette enceinte a déjà coûté près d’un million de dollars, c’est-à-dire plus qu’on n’avait dépensé pour l’église entière de Nauvoo.

Temple-Block, le seul endroit de la ville qui soit consacré au culte, fut dédié au Seigneur en 1847, immédiatement après l’exode, et on y érigea un tabernacle sur le lieu même que l’ancien prophète avait désigné au nouveau pontife et à ses principaux disciples. Quand deux côtés de la muraille furent achevés, les fidèles commencèrent les tranchées pour les fondations de l’édifice ; c’était le 14 février 1853. Un poteau, destiné à servir de principal appui au voile du Temple, fut planté au milieu du terrain, et chacune des phases de la construction fut marquée par des cérémonies imposantes, des coups de canon, des symphonies, des discours de M. Brigham Young, alors gouverneur du territoire, des prières, des exercices de piété auxquels assistait une foule nombreuse. Les fondations du Temple, qui ont près de cinq mètres de profondeur et se composent d’un granit de couleur grise, sont aujourd’hui cachées à tous les regards.

Endowment-house et Tabernacle. — Dessin de Ferogio d’après M. Burton.

Jusqu’à présent (1880), le block du Temple n’est qu’un lieu désert au centre duquel on remarque une grande fosse oblongue, destinée, suivant les Gentils, à devenir un baptistère de vingt pieds de profondeur. C’est à l’angle sud-ouest qu’est placé le Tabernacle, bâtiment en adobe, ayant cent vingt-six pieds de long du nord au sud, et soixante-quatre de large, voûté en ellipse et ne pouvant contenir que trois mille personnes tout au plus ; il est urgent d’en agrandir les limites. Au-dessus des deux portails, ouverts dans les pignons qui regardent le nord et le midi, est un soleil en bois coiffé de rayons jaunes semblables à une perruque du Somal, ou bien aux armes de la Perse. La toiture en bardeaux abrite sous ses bords avancés toute une colonie d’hirondelles ; elle est surmontée de quatre cheminées, insuffisantes pour échauffer l’édifice en hiver et le ventiler quand il fait chaud. Le prédicateur se place du côté de l’ouest, qui est réservé au pontife, aux apôtres et au président de l’État de Sion. On a, depuis quelque temps, comme cela se pratique chez les quakers, séparé les hommes des femmes. On se propose aussi, dit-on, d’assigner aux chrétiens des places particulières, afin que les « chèvres ne soient plus mêlées aux brebis. »

Traduit par Mme Loreau.

(La suite à la prochaine livraison.)