Page:Le Tour du monde - 08.djvu/120

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— Viens donc ; mais, en vérité, tu es trop bon Huéracocha. Une petite correction ne m’eût rien coûté à administrer à ce drôle, et c’eût été le meilleur moyen de te prouver ma reconnaissance. »

Comme je revenais sur mes pas, accompagné de l’alcade, dont la figure bonasse et souriante avait pris subitement une expression rébarbative en harmonie avec les fonctions qu’il allait remplir, nous nous trouvâmes nez à nez avec José Benito, qui avait mis pied à terre et tenait sa mule par la bride. En apercevant le chef politique d’Occobamba, qu’il devina malgré la négligence de sa mise, comme un voleur flaire un gendarme sous un déguisement, le mozo perdit contenance et baissa les yeux.

« Voilà l’homme ! dis-je simplement.

— Avance, voleur, brigand, assassin ! » crut devoir ajouter l’alcade.

José Benito devint vert comme une olive, et, tremblant de tous ses membres, obéit à l’injonction du redoutable fonctionnaire.

« Comment, drôle, effronté, détestable coquin, as-tu pu mécontenter un aussi bon seigneur que celui que tu accompagnes ? Réponds, fils de chien, créature du diable !… »

Défilé de la vallée d’Occobamba.

À la pompe oratoire de ce début, je prévis que le discours de l’alcade durerait plus longtemps que ma patience.

« Laisse-moi régler cette affaire, lui soufflai-je à l’oreille. José Benito, continuai-je en m’adressant au mozo, à dater de ce moment tu n’es plus à mon service. Je n’ai pas besoin de te dire les motifs de cette détermination, tu les connais aussi bien que moi. Prends ces quinze francs que je t’avais promis pour n’accompagner jusqu’à Echarati ; retourne à Cuzco et tâche de devenir honnête homme. »