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Ruines de Panbrang, district de Tchaïapoune, province de Kôrat. — Dessin de Catenacci d’après M. Mouhot.


VOYAGE DANS LES ROYAUMES DE SIAM, DE CAMBODGE, DE LAOS

ET AUTRES PARTIES CENTRALES DE L’INDOCHINE,


PAR FEU HENRI MOUHOT, NATURALISTE FRANÇAIS[1].
1858-1861. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.


XXVI

La ville de Tchaïapoune. — Retour à Bangkok. — L’éléphant blanc. — Encore la forêt du Roi du Feu. — Kôrat et sa province. — Penom-Wat.

Ayant atteint la ville de Tchaïapoune le 28 février 1861, je me présentai au gouverneur pour lui demander de l’aide et le prier de me louer des éléphants ou des bœufs pour continuer mon voyage. Je lui présentai mon passe-port français, la lettre du Khrôme Luang, puis une autre du gouverneur de Kôrat ; mais tout fut inutile. Il me fut répondu que, si je voulais des bœufs ou des éléphants, il y en avait dans la forêt. J’aurais pu me passer de l’assistance de ce fonctionnaire en langouti, et louer d’autres animaux chez les habitants de la ville ; mais ceux-ci me les auraient fait payer deux ou trois fois plus cher que le prix ordinaire, et ma bourse est trop légère pour me permettre un pareil sacrifice, qui se renouvellerait probablement à chaque station. La seule chose qui me restait à faire, c’était de retourner sur mes pas, laisser un de mes domestiques à Kôrat avec mes bagages, et revenir avec l’autre, à Bangkok, réclamer près de notre consul, des ministres ou du roi lui-même ; car il y a un traité conclu par M. de Montigny, entre la France et le roi de Siam, qui oblige à donner aide et protection aux Français, et surtout aux missionnaires et aux naturalistes. C’était là une perte de temps bien regrettable et qui pouvait m’occasionner de très-sérieux inconvénients, car, si par suite de ces délais je venais à être surpris par la saison des pluies au milieu des forêts, ou même avant mon arrivée dans un lieu sain, ma santé et ma vie pouvaient être compromises.

Heureusement, depuis Kôrat, j’eus le plaisir de voyager en compagnie de cet éléphant blanc pris dans le Laos, dont j’ai parlé plus haut, et qu’un dignitaire de Bangkok, avec lequel je liai connaissance et qui me prit en amitié, était venu chercher en grande pompe. La caravane était magnifique : elle comptait plus de soixante éléphants de couleur normale, dont deux furent mis à mon service, un pour moi-même et un autre pour mon domestique.

Me trouvant donc dans les bonnes grâces du mandarin chargé d’escorter le pachyderme fétiche, je lui contai mon aventure, et il me promit de me faire obtenir tout ce que je désirais. À notre arrivée à Saraburi, nous trouvâmes les administrateurs du Laos et les premiers mandarins de Bangkok réunis en cette ville pour

  1. Suite et fin. — Voy. pages 219, 225, 241 257, 273, 289, 305 et 321.