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La proportion de ces colonnes est admirablement appropriée à l’architecture étrange de l’édifice. La partie de ces colonnes qui s’appuie sur le sol est carrée jusqu’à la moitié de leur hauteur ; les pans carrés ont été abattus, et les colonnes se sont arrondies sous le ciseau du sculpteur qui a laissé à chacune d’elles un renflement de bon goût et y a tracé des cannelures ; il semble voir un faisceau relié par des astragales ; les fûts sont séparés par les ornements des chapiteaux ayant la forme de sphères écrasées dont les cannelures ouvertes donnent l’idée qu’elles vont éclater sous l’effort qu’elles font pour supporter le plafond du temple.

Ce plafond est plat ; les chapiteaux sont surmontés d’une plinthe carrée portant une architrave qui s’appuie sur la plinthe de la colonne voisine, de sorte qu’il se forme ainsi une série de caissons qui relient les colonnes quatre à quatre. Les architraves, ainsi que les plinthes, sont couvertes de ciselures riches et fines.

Ces colonnes étaient primitivement au nombre de vingt-six ; huit aujourd’hui sont brisées. Ou comptait, avec les seize pilastres qui sont adossés aux parois du rocher, un total de quarante-deux colonnes, formant un carré à peu près parfait sur une profondeur de huit piliers ou colonnes qui s’étendaient symétriquement du nord au sud et de l’est à l’ouest.

L’élévation du plafond du temple au-dessus du sol n’est pas toujours égale ; quelques colonnes ont près de six mètres et d’autres n’en ont que cinq. L’espace qui sépare les colonnes et les piliers n’est pas non plus très-régulier ; quelques-unes sont éloignées de quatre mètres trente centimètres, tandis que d’autres le sont de cinq mètres cinquante centimètres et beaucoup d’autres de cinq mètres. De même le diamètre des piliers et des colonnes est quelquefois d’un mètre, et ailleurs d’un mètre trois centimètres. Enfin le côté droit du temple mesure à peu près quarante-quatre mètres, et le côté gauche seulement quarante-deux mètres. Malgré ces inégalités, l’effet général est très-beau et très-saisissant.

Les cours intérieures qui éclairent le fond du temple ont été, ainsi que le reste de l’édifice, taillées au ciseau dans la roche vive. Chacune d’elles avait autrefois une entrée vers le nord, mais les éboulements ont comblé ces portes.

Les pilastres qui font saillie sur les parois du rocher pour correspondre aux colonnes, forment deux à deux de vastes cadres. On y a tracé à grands traits la vie de Siva.

Ces figures en ronde bosse s’enlèvent vigoureusement de la paroi, et frappent l’esprit par leur taille gigantesque et la variété de leurs attitudes. Il faut avoir recours au panthéon indien pour expliquer toutes leurs poses, et encore quelques-unes sont-elles restées inexpliquées.

Les piliers et les colonnes portent aussi plusieurs sculptures, parmi lesquelles on reconnaît Ganessa et Cartick, les deux fils de Siva.

La régularité du temple n’est altérée que par une chapelle située à l’ouest et comprise entre quatre colonnes.

Quatre portes donnent accès dans l’intérieur de ce sanctuaire, élevé au-dessus du niveau du reste du temple. Huit statues immenses, nommées dwarpales ou « gardiens des portes, » sont sculptées dans des attitudes immobiles à droite et à gauche de chaque entrée, et s’appuient sur des figures moins grandes, dont le visage porte le caractère de la classe la plus basse.

Dans cette chapelle est une table de pierre, où est enchâssée une pierre conique de matière différente de celle que l’on a extraite des roches d’Éléphanta, et qui, par conséquent, a dû y être apportée.

Un cordon sculpté fait le tour de l’autel, et une gargouille en forme de tête de vache, tournée vers le nord, paraît avoir été destinée à l’évacuation des libations qui étaient faites en l’honneur de Siva sous le nom de lingam.

Siva lui-même et les deux autres personnes du Trimourti sont représentés par un buste colossal qui fait face à l’entrée du nord, il est placé dans une sorte de chœur en retraite sur les parois est et ouest, qui s’enfonce de cinq ou six mètres vers le sud. On a creusé au-dessus des bustes une voûte assez élevée pour que le sommet de leurs têtes, qui s’élève à six mètres cinquante centimètres, ne touche pas au plafond du temple. Il est probable qu’autrefois des rideaux s’abaissaient en avant du buste, pour que le public ne pût pas voir ce sanctuaire, accessible seulement aux initiés. Deux figures, dont on ne voit que les débris, étaient en adoration à droite et à gauche du buste.

La figure du buste qui fait face au nord porte une mitre ; on y distingue entre autres ornements, des têtes de taureaux et le croissant ; ils sont tous d’une grande délicatesse. Les colliers et les bracelets qui sont en relief sur le cou et les bras sont d’un travail exquis.

La figure qui fait face à l’ouest est placide, et semble avoir été calquée sur celle que l’on prête à Wishnou.

La troisième figure, sans doute celle de Rudhra, est fière ; elle tient à la main un glaive ; ses deux dents canines repoussent en avant la commissure des lèvres ; une moustache à crocs recourbés orne sa lèvre supérieure ; le nez aussi est recourbé ; les yeux sont expressifs et cruels ; une protubérance se remarque entre les deux sourcils qui, fortement arqués, recouvrent les arcades sourcilières sur lesquelles ils font saillie. Cette protubérance est le troisième œil de Rudhra, d’où sortira le feu qui doit consumer la création.

Un serpent entoure le buste entier de ses replis ; la tête du reptile se dresse devant Siva, dont il a l’air d’attendre les ordres.

Une mitre revêt aussi la tête de Roudra ; une couronne de têtes de morts ceint cette tiare ; ces dépouilles sont mêlées de feuilles de nergundi et de hilla, plantes consacrées à Siva.

Les parois qui sont à l’entrée du sanctuaire portent des sculptures colossales, analogues à celles qui décorent ordinairement les chapelles de Siva.

Lorsqu’on vient du nord et que l’on entre dans les grottes, on ne voit rien sur la paroi qui est comprise