Page:Le Tour du monde - 11.djvu/104

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connus, Elias-Bey et Mouça-Etfendi, alors simple kachef (capitaine), aujourd’hui gouverneur général du Soudan. Mouça, en particulier, se fit un tel renom par les mutilations à l’abyssinienne qu’il pratiquait sur ses prisonniers, qu’on dit aujourd’hui familièrement au Soudan : « Si on prononce devant un Bicharî le nom de Mouça-Bey, il fait involontairement un geste significatif pour s’assurer qu’il n’a rien perdu. »

Quand les Hadendoa furent subjugués, dix-sept de leurs chefs furent emmenés à Khartoum pour être suppliciés. En route, deux ou trois d’entre eux refusant de marcher par excès de fatigue ou pour tout autre motif, l’officier chargé de les escorter coupait en deux, dit-on, les récalcitrants d’un seul coup de son sabre turc. Cette histoire a fait grand bruit au Soudan, moins comme barbarie que comme tour de force. Ce Soliman-Kachef est, je crois, le même qui prit part aux deux premières expéditions du Nil-Blanc (1840 et 1841), et se déshonora par les boucheries qu’il commit chez des tribus nègres inoffensives et amies. Quant aux prisonniers hadendoas ils furent exécutés en plein bazar de Khartoum, ou plutôt charcutés avec une cruauté sauvage.

Le Mont Kassala el Louz. — Dessin de Eug. Cicéri d’après un croquis de M. G. Lejean.

Quelques jours après mon arrivée, une affaire me mit en relation avec le prince du désert, Mohammed, chekh des Hadendoa, et roi à peu près absolu de tout le pays compris entre l’Atbara et la mer Rouge. Cette royauté, depuis la conquête turque était devenue une lourde charge. Le prince, responsable du payement du tribut imposé par la cupidité fantasque des gouverneurs généraux du Soudan, était à la fois exposé à une brutale arrestation en cas de retard dans la rentrée de l’impôt, et en face de ses sujets à une impopularité qui se conçoit aisément. Je le trouvai sombre, taciturne, poli d’ailleurs comme le sont tous ces khalifes du désert, gentils-