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brage sans entendre un bruit, un son, un murmure, à peine peut-être un battement d’ailes ou quelques notes harmonieuses jetées en passant au-dessus de ma tête par un petit oiseau.

On est reçu par les habitants des villas avec la plus simple et la plus sincère cordialité. Il n’est pas besoin de les connaître. Vous vous présentez à la porte ; aussitôt vous êtes introduit par deux indigènes : on vous fait prendre place sur un divan entouré de bananiers, devant un bassin d’où s’élèvent des fleurs charmantes. On vous apporte le kalumet de paix et vous le fumez en attendant l’amphitryon.


Les fêtes.

On ne connaîtrait qu’à moitié les Tunisiens si on n’avait pas eu l’occasion d’assister à l’une de leurs fêtes. J’ai vu celle du premier jour du mois de schowal, qu’on nomme Aïd-el-esrir ou le petit Baïram. J’avais été réveillé par des salves de canon et je m’étais levé à la hâte. Les rues étaient déjà pleines de musulmans revêtus de leurs plus beaux costumes. Ils avaient tous l’air joyeux et empressés. Ce jour-là il faut paraître content, satisfait, prêt à rire, quand même on aurait les plus sérieux motifs d’être attristé : une figure maussade, pendant l’Aïd-el-esrir, ferait accuser son maître d’impiété. Ces gens graves se sautaient au cou les uns des autres et s’embrassaient comme des frères ; les places publiques étaient animées par différentes sortes de jeux ; les rafraîchissements circulaient de toutes parts. Parmi les autres fêtes, on célèbre surtout avec solennité le Mouled, anniversaire de la naissance de Mahomet, et les soirs du mois de ramadan qui ont été souvent décrits. L’envoi du firman d’investiture par le sultan est aussi l’occasion de divertissements et de démonstrations de joie.

Fête du Baïram sur la place de la Kasbah. — Dessin de A. de Bar d’après une aquarelle de M. Amable Crapelet.


Les cimetières.

« Lorsqu’on sort de Tunis, par la porte qui conduit aux ruines de Carthage, on trouve un cimetière. Sous un palmier, dans un coin de ce cimetière, on m’a montré un tombeau qu’on appelle le tombeau du dernier Abencerrage. Il n’a rien de remarquable : la pierre sépulcrale en est tout unie ; seulement, d’après une coutume des Maures, on a creusé au milieu de cette pierre un léger enfoncement avec le ciseau. L’eau de la pluie se rassemble au fond de cette coupe funèbre et sert, dans un climat brûlant, à désaltérer l’oiseau du ciel. »

C’est ainsi que Chateaubriand termine son récit des aventures du dernier Abencerrage. J’aurais désiré trouver le tombeau d’Ahen-Hamet, je l’ai vainement cherché ; mais un voyageur qui m’a précédé croit l’avoir vu non loin de la porte de la mer, Bab-el-Bahar, dans un cimetière musulman : le palmier a disparu ; le tombeau, entouré d’un petit jardin, est à demi ruiné.

C’est surtout au grand cimetière de Sidi-bel-Hassen que les femmes vont en grand nombre pleurer, gémir et s’arracher les cheveux sur les tombes.

Le cimetière israélite est entretenu avec un soin pieux. Les sépulcres y sont blanchis à la chaux ; plusieurs tombes sont en marbre.

Amable Crapelet.

(La fin à la prochaine livraison.)