Page:Le Tour du monde - 11.djvu/257

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Traversée des marais de la steppe de Baraba (voy. p. 267). — Dessin de Vaumort d’après l’album de Mme de Bourboulon.


RELATION DE VOYAGE DE SHANG-HAÏ À MOSCOU,

PAR PÉKIN, LA MONGOLIE ET LA RUSSIE ASIATIQUE,

RÉDIGÉE D’APRÈS LES NOTES DE M. DE BOURBOULON, MINISTRE DE FRANCE EN CHINE, ET DE MME DE BOURBOULON,
PAR M. A. POUSSIELGUE[1].
1859-1862 — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.




Irkourtsk. — Séjour dans cette ville. — Départ. — Les plaines de l’Angara. — Exilés polonais. — Traversée de l’Yéniséï. — Témérité incroyable d’un attelage de chevaux sibériens. — La Sibérie occidentale.

« Irkoutsk, capitale du gouvernement de la Sibérie orientale, contient vingt-trois mille habitants. Cette ville est assise sur un des versants élevés de l’Angara, dans un coude que forme le fleuve. Reliée à ses faubourgs, situés de l’autre côté de l’eau par deux ponts en bois, bâtis sur pilotis jusqu’au chenal où ils se convertissent en ponts de bateaux mobiles pour ne pas entraver la navigation, Irkoutsk, comme toutes les villes sibériennes, est remarquable par le nombre considérable de ses églises, dont les clochers dépassent de tout côté les maisons en briques des riches marchands et les cahutes en bois qu’habitent les gens du peuple. Outre les vingt églises qu’on y compte actuellement, on est en train de bâtir une nouvelle cathédrale sur des proportions gigantesques au moyen de souscriptions faites par la communauté marchande.

En entrant ici après quarante jours de désert, nous avons été saisis de l’animation et du mouvement qui annoncent une grande ville : il y a une grande circulation de voitures, tarentas, telegas, drosckis, et même petits coupés de maître à la parisienne ; les rues en terre battue, sont bordées de trottoirs en bois ; les portes des maisons communiquent avec la rue par de vrais ponts jetés sur de grands fossés pleins d’eau qui occupent les côtés des principales rues et qui sont bordés de bouleaux centenaires ; beaucoup de maisons ont deux et trois étages ; la grande rue contient nombre de belles boutiques dont quelques-unes à devanture en glaces avec des enseignes en russe et même en français, car j’y ai trouvé une modiste parisienne. Enfin, dernière preuve de civilisation, les rues sont éclairées, insuffisamment, il est vrai, par des lampions à l’huile ; on ne connaît pas encore en Sibérie les lampes mécaniques, et on ne se sert chez les particuliers riches que de bougies, chez les pauvres que de mèches en résine.

« Je passerai sur les incidents d’un dîner qui nous fut donné le lendemain de notre arrivée par le général Joukowski, et sur l’ennui d’une foule de présentations. Un grand repas de cent couverts offert par la ville dans le cercle des marchands fut bien plus intéressant, parce qu’il nous donna une idée exacte des mœurs de la classe bourgeoise. Outre une vingtaine de dames, les autorités

  1. Suite et fin. — Voy. t. IX, p. 81, 97, 113 ; t. X, p. 33, 49, 65, 81, 97, 289, 305, 321 ; t. XI, p. 234 et 241.