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Duperrey, sur la frégate la Coquille, et Dumont-d’Urville, sur la frégate l’Astrolabe, ajoutèrent aux connaissances déjà acquises par les observations du professeur Richard, qui décrivit environ deux cents nouvelles espèces végétales de ce pays.

Lors de l’expédition antarctique (1839-43) du capitaine James Ross, le docteur Hooker vint à la Nouvelle-Zélande. Naturaliste distingué il a attaché son nom à un ouvrage célèbre, dans lequel il a coordonné et mis en œuvre tous les matériaux connus jusqu’à l’année 1863.

Le nombre total des espèces que Hooker a réunies dans sa Flore se monte à près de dix-neuf cents, mais il s’en faut que l’on connaisse toutes les productions végétales de la Nouvelle-Zélande. Des contrées entières restent encore à explorer. C’est seulement dans l’île du Nord que les recherches botaniques ont pénétré jusque dans l’intérieur ; mais dans l’île du Sud, les Alpes Zélandaises, qui s’étendent dans toute la longueur, n’ont jamais été visitées dans l’intérêt de la science.

Parmi les plantes utiles, le lin zélandais, phormium tenax, occupe un des premiers rangs. Cette plante est tout à fait spéciale à la Nouvelle-Zélande et aux petites îles voisines, de Chatham et de Norfolk, et elle ne se trouve nulle part ailleurs. Les filaments, extraits des feuilles par les indigènes, et dont la valeur fut bientôt appréciée par les Européens, devinrent le premier article d’échange avec les Maoris.

Ce qu’est le bambou pour les habitants de l’Asie orientale et méridionale, le phormium l’est pour les naturels de la Nouvelle-Zélande. On l’utilise pour des besoins innombrables. Près de chaque hutte, de chaque village et de chaque route, s’élèvent ses buissons sauvages ou cultivés, et propres à tous les usages. La feuille, en forme d’épée, aussi bien que la plante entière, est nommée par les naturels harakéké, et la fleur, analogue à celle de l’agave, se nomme korari. Toutes les parties de la plante, les fleurs, les tiges et les feuilles, fournissent aux indigènes une matière précieuse par son utilité. Les fleurs, d’un rouge brun, contiennent une grande quantité de suc doux comme le miel que les enfants sucent avec avidité et que les naturels recueillent dans des calebasses. Entre les feuilles se trouve une substance gommeuse employée par les Maoris comme cire à cacheter et comme amidon, et les fleurs desséchées, qui s’embrasent comme des allumettes, sont très-utiles aux indigènes, surtout pendant leurs voyages. La feuille cependant est la partie de la plante qui rend le plus de services. Cueillie fraîche sur le buisson, elle sert de papier aux modernes lettrés de la Nouvelle-Zélande. Au moyen d’un coquillage, ils y écrivent leurs pensées. Découpée en bandes plus ou moins étroites, selon l’usage que l’on en veut faire, elle remplace, par la force extraordinaire de ses filaments, les liens, cordes, ficelles, câbles, etc. Cette plante est indispensable aux indigènes pour la construction de leurs huttes et de leurs canots. Avec les bandes de feuilles vertes, les femmes tressent de jolies corbeilles qui servent de plats et d’assiettes ; les hommes en font de la toile, des filets et des voiles. Dans l’état naturel, la feuille sert à tous ces usages, mais les indigènes savaient aussi préparer les filaments teillés, les teindre, et en faire des couvertures, des manteaux et des paillassons. Le vêtement habituel, weruweru, était fait avec la feuille à moitié préparée ; le vêtement de cérémonie, kaitaku, avec de fines bandes entrelacées, de diverses couleurs. Pour teindre en noir, ils employaient l’écorce de l’arbre hinan (elæocarpus) ; pour teindre en rouge, celle du tawaiwai (phyllocladus).

De quelque contrée qu’il arrive et sur quelque point de la côte de la Nouvelle-Zélande qu’il pose pour la première fois le pied, le voyageur est frappé avant tout de deux particularités dans le caractère de la végétation : l’abondance des fougères et des arbrisseaux et l’absence de prairies et de fleurs, absence qui s’explique par la disette de gazon et le petit nombre de plantes annuelles.

Les champs qui, vus de loin, à côté des immenses forêts, ne paraissent que pâturages et gazons, se composent, en y regardant de plus près, de buissons à hauteur d’homme avec de petites fleurs blanches microscopiques, et surtout de fougères (pteris esculenta), le rarahouè des indigènes, dont la racine formait autrefois leur principal aliment. On ne se fait jour qu’avec peine à travers ces fourrés épais, où rarement on rencontre de sentier tracé, et sur les chemins même, les tiges ligneuses de cette fougère embarrassent d’une manière très-désagréable les pieds du voyageur.

Si, de la lisière de la forêt, on pénètre dans l’intérieur, ce sont toujours des fougères qui frappent d’abord les yeux, de magnifiques fougères arborescentes aux superbes couronnes, aux tiges revêtues d’écailles ; ce sont des variétés infinies d’hyménophylles et de polypodies qui couvrent les troncs des arbres ; en un mot, des fougères de toutes les espèces et en quantités innombrables.

Si les forêts ne renferment presque pas de fleurs aux couleurs variées, peu d’herbe, rien que des arbrisseaux et des arbres, qui décrira pourtant le ravissement que le véritable amant de la nature éprouve devant la beauté sévère de leurs profondes solitudes ? Là des générations entières de nobles végétaux dépérissent de vieillesse pendant que de nouveaux et vigoureux arbres grandissent près des troncs couverts de mousse des patriarches de la forêt renversés par les années. Il y règne un profond silence qui remplit l’âme d’une douce mélancolie, et l’ensemble de la scène offre un aspect de grandeur tranquille plus imposant que celui que produisent les plus beaux monuments de l’architecture classique. On n’y entend que la chute des arbres et les cris aigus du perroquet, car les oiseaux qui chantent au bord des forêts se taisent sous leur dôme obscur. Tout est muet autour des arbres tombés tandis que la brise et les vents font frémir les feuilles des arbres encore debout. À Noël le pohutukaua, ou metrosideros, se couvre de fleurs écarlates ; c’est alors le plus éclatant des arbres de la forêt néo-zélandaise ; le rimu (dacrydrum cupressimum), a un inexprimable caractère de grandeur et de mélancolique beauté. Quelques espèces de pins rappellent au colon ceux de la vieille patrie anglaise, et, chose qui